مقال صحفي

Les confluences linguistiques, une seconde nature au Liban Liban - Littérature

, par Mohammad Bakri

El Watan
Vendredi 5 octobre 2012
Faten Hayed

Livres d’exil ou de retrouvailles, d’amour ou de résistance, la littérature francophone libanaise traduit le sentiment d’inquiétude d’un quotidien tumultueux, soutenu par des textes éclairés. A l’approche du Salon francophone du livre de Beyrouth, fin octobre, El Watan Week-end tente de comprendre ce qui déborde du récit romanesque et submerge le lecteur.

Les confluences linguistiques, une seconde nature au Liban

« La littérature francophone libanaise ne s’illustre pas qu’à travers la plume d’Amin Maalouf. Ce dernier est certes un symbole et a porté les couleurs du Liban dans le monde. Toutefois, il y a d’autres auteurs qui représentent plus pertinemment les caractéristiques de cette littérature libanaise. Nous les découvrirons cette année au Salon francophone du livre de Beyrouth », déclare Marwan Khaeidar, journaliste, écrivain et didacticien. Il a longtemps travaillé sur les littératures du Monde arabe en général et du Moyen-Orient en particulier. « La vie du Libanais est si compliquée et burlesque que chaque tranche de vie est un roman ! La maturité des écrivains fait qu’ils traitent les thèmes avec férocité et lucidité », poursuit-il.

La capitale libanaise affirme son influence dans le monde de l’édition francophone, puisque ce rendez-vous réunira pendant dix jours (du 26 octobre au 4 novembre) écrivains, poètes, essayistes et journalistes. Ils seront les acteurs d’une programmation composée de plusieurs rencontres, conférences et la visite très attendue d’Edmonde Charles-Roux, Régis Debray, Didier Decoin, Tahar Ben Jelloun, Pierre Assouline et Bernard Pivot. Pour les 20 ans du Salon francophone de Beyrouth, les académiciens annonceront en exclusivité les quatre derniers livres en lice pour le prestigieux prix littéraire. « Le rôle qu’on donne à Beyrouth pour la promotion de la langue française se poursuit par l’encouragement à la participation à différents concours dans la région », explique Hadjira Maydane, critique littéraire libanaise.

« Le français et l’anglais sont obligatoires dès l’école. L’éducation a choisi le système d’option, on étudie la langue étrangère que l’on souhaite. Mais derrière cette volonté se cache une arrière-pensée. La France n’a jamais caché ses ambitions de propager sa langue, qui est très belle. Au Liban, contrairement à ce que l’on pense, les Libanais ne parlent pas tous français. La majorité qui pratique cette langue se trouve dans la communauté chrétienne, donc à Beyrouth, et en France », affirme-t-elle.

Beyrouth capitale du livre

Dans les librairies beyrouthines, on trouve la littérature du monde entier, et aussi des titres phare de la littérature libanaise d’expressions arabe, française et anglaise. Des classiques, des incontournables et des nouveautés. Le Liban est connu pour son souffle créateur qui a donné de grands écrivains. Dans le domaine des lettres, le pays du Cèdre produit des centaines de titres par an, grâce à ses 400 maisons d’édition et 600 imprimeurs soutenus par des librairies actives et des cercles de diffusion efficaces. « J’ai découvert la littérature libanaise à travers la poésie, lors d’un voyage linguistique effectué en 2008 au Liban. J’étais surprise de trouver autant d’ouvrages qui traitaient du monde arabe, de sa jeunesse, de sa sexualité, de ses politiques… un monde que j’avais envie de découvrir depuis des années », confie Annie Murel, Française, étudiante au Liban.

« En quelques romans, j’ai pu plonger dans la vie de plusieurs Libanais à la fois. La culture est omniprésente, mais aussi l’ouverture vers le monde facilite l’approche », ajoute-t-elle. Hamra, l’artère la plus célèbre et animée de Beyrouth, abrite plusieurs librairies, des espaces de rencontres, de lecture. Chaque petit café ou place publique est propice à la lecture « A Beyrouth, il existe une conscience de la promotion du livre par les acteurs qui façonnent son devenir. Pourtant, dans un pays déstabilisé par plusieurs guerres. On a appris à se reconstruire, coûte que coûte, pour la survie de notre culture », déclare Hassan, un habitué de la librairie Antoine, l’une des plus importantes de Beyrouth. Depuis son ouverture en 1933, cette librairie diffuse et introduit la littérature dans les foyers libanais et ceux du monde. « Notre littérature est accessible, car la majorité des Libanais sont fiers de leurs écrivains. La communauté libanaise dans le monde représente bien notre culture et contribue à sa diffusion, à travers des associations et fondations constituées autour du livre », s’enthousiasme Hassan.

La mode du multilinguisme

Le monde du livre fait battre le cœur de Beyrouth, les Libanais sont aujourd’hui trilingues. Ils ne se contentent pas de lire en arabe exclusivement, en français ou anglais, mais trouvent refuge dans plusieurs langues à la fois. Dans la librairie Orientale, toujours dans le quartier légendaire de Hamra, on retrouve une étonnante collection de romans récemment édités et déjà des succès. Le dernier roman d’Amin Maalouf, intitulé Les désorientés, y figure en première position, suivront les romans de Alexandre Najjar, Zina Abirached, Rachid Al Daïf, Hassan Daoud, Ghassan Fawaz, Édouard Makhoul, Salah Stétié, Carole Ammoun, Jihad Maalouf, Nadine Abou Zaki, Nicole Hatem,Wajdi Mouawad, Joumana Haddad ou encore Georges Schéhadé.

« Le lecteur libanais est très exigeant et s’attache plus à la thématique qu’à la langue », déclare Jessy, ancienne libraire, devenue troqueuse de livres « Quand je travaillais dans les librairies du Liban, je remarquais cette tendance, un livre est essentiellement choisi plutôt pour son thème que pour la langue d’écriture. Les livres écrits ou traduits en français ont toujours eu la cote. » Pour Viny, 22 ans, étudiante à l’université américaine de Beyrouth, la langue française est « chic » parce qu’elle représente une culture que tout monde veut adopter « Aujourd’hui, à New York ou à Dubaï, s’exprimer en français est un signe extérieur de richesse ! Moi-même je ne m’explique pas cet effet de mode. Mes parents me disent que ça ne date pas d’hier. Lire en français s’est fait automatiquement. Comme beaucoup j’ai d’abord lu Gibran Khalil Gibran, Amin Maalouf, Farjallah Haïk, Fady Stephan et Nayla Debs. Parfois quand un livre me plaît, je trouve facilement sa traduction française. »

Que contient réellement la littérature libanaise pour plaire tant aux lecteurs ? A cette question, Mejda Sahlawi, journaliste, prépare un livre sur la littérature libanaise dans ses expressions plurielles. « Les auteurs libanais s’illustrent dans l’exercice difficile du roman. Ils y dessinent des personnages et décors du pays, éclairés par un réalisme poignant. Les thèmes sont ceux de la littérature contemporaine ; prostitution, sexe, liberté de la femme, l’immigration et aussi la guerre, la résistance, les conflits intérieurs et le communautarisme. La trame romanesque ouvre souvent des histoires dans la même histoire, et devient la gardienne de la mémoire du Liban. »

Quotidien algérien El Watan

El Watan accueil


Le quotidien El Watan a été lancé le 8 octobre 1990, dans le sillage des réformes politiques, par vingt journalistes regroupés dans la SPA El Watan. Premier journal indépendant du matin à être édité en Algérie, il a basé sa ligne éditoriale sur un traitement objectif de l’information, en développant des analyses pertinentes, une vérification rigoureuse des informations publiées et un souci constant d’ouverture à l’ensemble des sensibilités politiques du pays, notamment celle de l’opposition démocratique. En savoir plus.


Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)