Visite de l’exposition consacrée au Hajj (pèlerinage à la Mecque) à l’IMA (Paris) avec l’un des deux commissaires responsables, le chercheur Omar Saghi (qui a déjà publié une étude remarquée sur le Hajj). L’exposition se divise en deux parties :
La première rend compte du hajj à travers l’histoire, à l’époque où convergeaient vers la Mecque quelques dizaines de milliers de pèlerins qui venaient de tous les pays d’islam par voie terrestre ou maritime. Lors de ce rassemblement annuel de trois jours s’affirmait l’universalité de l’islam, visible à travers les objets exposés de multiples origines où se joue la tension entre la culture savante unitaire et impériale (celle des lettrés qui partagent les mêmes valeurs de Delhi à Cordoue) et la culture populaire où s’exprime le génie vernaculaire. Si l’on se cantonne au seul domaine chinois, cette dualité est illustrée par un Coran Ming qui adopte une calligraphie naskhi classique soumise au canon impérial inventé par Ibn Bawwâb au Xe siècle ‘abbasside ; tandis que le vernaculaire est représenté par une peinture du sanctuaire saint de la Mecque avec la Ka’ba au centre, accompagnée d’une calligraphie arabe sinisée et d’idéogrammes chinois qui signalent notamment le nom du peintre (Ma Chao’), le tout surmonté d’un éventail orné de motifs végétaux dans le pur style chinois.
La deuxième partie nous introduit dans l’espace du Hajj tel qu’il se pratique aujourd’hui. Espace intégralement rénové et en cours de transformation permanente sans aucune considération patrimoniale : toutes les antériorités ayyubides, mamlouks et ottomanes ont été littéralement saccagées, rasées. Le Hajj devient alors un immense enjeu technologique et administratif destiné à accueillir dix millions de pèlerins à l’horizon de 2025 (aujourd’hui le nombre des pèlerins est estimé à trois millions et demi). Cela métamorphise radicalement l’espace.
Emission de France Culture, Cultures d’Islam , par Abdelwahab Meddeb , du 27 juin 2014 à 15h
Source de l’information : Site de France Culture
