Institut des Cultures d’Islam (ICI)

Exposition - Bagdad mon amour Du 29 mars au 29 juillet 2018

, par Mohammad Bakri

Avec les oeuvres de Sherko Abbas, Latif Al Ani, Resmi Al Kafaji, Ali Assaf, Salam Atta Sabri, Julien Audebert, Dia Azzawi, Hanaa Malallah, Mehdi Moutashar, Mosul Eye Bureau, Michael Rakowitz, Jewad Selim, Lorna Selim, Walid Siti, Sharif Waked et Ala Younis

Commissariat : Morad Montazami

Direction artistique : Bérénice Saliou

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Avec Bagdad mon amour, l’ICI veut montrer l’engagement des artistes irakiens pour la préservation de leur patrimoine, ravagé par des décennies de dictature et de guerre. Cette nouvelle saison culturelle rend hommage à Hiroshima mon amour, chef d’œuvre d’Alain Resnais écrit par Marguerite Duras, pour évoquer en filigrane les conflits, pillages et destructions en Irak à travers le travail d’artistes. Reprenant la figure de la métaphore, omniprésente dans le film, l’exposition propose un parcours parmi des oeuvres d’art moderne et contemporain qui s’approprient les architectures, symboles et objets du passé comme autant de moyens de survivance d’une identité en péril.

Tout au long de l’exposition, de nombreux événements mettent à l’honneur l’Irak de l’antiquité à nos jours. Venez écouter L’Épopée de Gilgamesh, l’un des plus anciens récits du monde, danser avec le quartet Radio Bagdad sur des sonorités à la croisée de l’orient et de l’occident, et vous laisser émouvoir par l’idylle de Salima Mourad et Nazem El Ghazali, grands chanteurs irakiens du début du XXe siècle. Participez aux conférences sur la sauvegarde du patrimoine en zones de conflits, la situation des journalistes en Irak, la bataille de Mossoul, le modernisme architectural et littéraire irakien, ou encore l’histoire de grandes figures comme le philosophe Al-Farabî, le poète Al Mutanabbî et le calife Al-Ma’mun.

Avec les films et documentaires, plongez dans le quotidien d’une famille avant et après la chute de Saddam Hussein, au cœur du destin méconnu de l’archéologue et espionne Gertrude Bell, dans les paysages grandioses du Kurdistan et dans le dédale des rues fantasmées d’un Bagdad en Technicolor…
Constructions babyloniennes en LEGO®, embarquement pour Le voyage de Zyriab de Bagdad à l’Andalousie dans les pas d’un poète musicien, ciné-goûters et ateliers de pratiques artistiques invitent aussi le jeune public à découvrir d’autres horizons. Et à l’occasion du ramadan, l’ICI propose chaque samedi une soirée exceptionnelle : contes des Mille et Une Nuits, puis iftars à partager en famille ou entre amis, suivis de spectacles et projections en plein air.

De mars à juillet, Bagdad et l’Irak sont à voir et à aimer à l’ICI !

En savoir plus

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Visuel : Latif Al Ani, Shorja Street, Bagdad, 1950 (détail) © Latif Al Ani, courtesy Ruya Foundation
visuel : Latif Al Ani, Shorja Street, Bagdad, 1950 (détail) © Latif Al Ani, courtesy Ruya Foundation


ONORIENT


ONORIENT
Par Juliette Bouveresse
29 avril 2018


L’exposition « Bagdad mon amour » à l’Institut des Cultures d’Islam


Annoncée par son commissaire Morad Monstazami comme une « exposition-manifeste » et un « cri du cœur », l’exposition Bagdad mon amour à l’Institut des Cultures d’Islam ressuscite l’héritage culturel de l’Irak entre les mains sensibles et pleines d’espoir des artistes contemporains.

Lettre d’amour au patrimoine irakien

Placée sous le signe d’Hiroshima mon amour, l’exposition entremêle émotion et résistance. Dans le film d’Alain Resnais, une jeune femme découvrait la ville d’Hiroshima s’éveillant à peine des cendres de la bombe atomique. L’errance mélancolique du personnage dans son propre passé était racontée entre les bras d’un amant d’une nuit. Morad Montazami recueille, par-delà le lyrisme bouleversant de ce voyage intérieur, une foi inaltérable placée dans le pouvoir des images qui gardent à travers leur fragilité même un pouvoir d’évocation intact. Que reste-t-il quand tout a disparu ? Comment s’élever au-dessus des ruines ? Comment transmettre la perte ? Ces questions sont autant de brèches frayées par les artistes réunis dans l’exposition. Ils deviennent messagers et gardiens de leur propre patrimoine, transformé en signe intime dans leur mémoire.

Le parcours retrace la quête des artistes sur les pas de leur vie passée et de leur imaginaire culturel. Il s’ouvre sur une série d’étendards monumentaux en tissus colorés, suspendus dans le hall d’entrée de l’Institut. Leurs dessins rappellent les fenêtres des bâtiments de Bassora, mais ils sont surtout investis d’une valeur symbolique et délicate. Ali Assaf les a réalisés alors qu’il résidait à Rome pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak, en hommage à sa mère, couturière à Bagdad.

Le patrimoine architectural irakien, labyrinthe lacunaire et déserté, est au centre de l’exposition. La sculpture de Mehdi Moustashar, Cinq plis à 120°, simplement posée à même le mur, offre cinq segments de bois identiques qui tournent autour d’un point central pour esquisser la forme d’une étoile inachevée. Ce signe imparfait préserve le souvenir des arabesques de l’université al-Mustansiriyya de Bagdad. Encore miraculeusement debout aujourd’hui, ce lieu de savoir érigé à l’époque abbasside rayonna sur tout le Moyen-Orient pendant plusieurs siècles. Walid Siti est quant à lui habité par un travail de recherche perpétuel. Un mur est dédié à ses dessins et maquettes depuis 1992. Il y explore sans trêve les formes architecturales ascensionnelles du Moyen-Orient, dans un désir d’élévation spirituelle proche du soufisme. La silhouette fantomatique du célèbre minaret en spirale de Samarra, fleuron de l’architecture islamique, se détache comme un leitmotiv sans fin.

Jawad et Lorna Selim

Une image surgit souvent grâce à la force d’un lien émotionnel. Comme dans Hiroshima mon amour, l’histoire d’une vie amoureuse est au cœur de cette exposition, celle du duo d’artistes formé par Jewad et Lorna Selim. Une photographie en noir et blanc, reproduite sur un mur à très grande échelle, immortalise le couple dans un moment de joie paisible, à la table d’un café de Bagdad. Avec Shakir Hassan Al Said, Jewad Selim fonda en 1951 le groupe de Bagdad pour l’art moderne. Ce mouvement d’avant-garde fut pionnier dans son désir de créer une esthétique résolument moderne en réactivant le style, les formes et les motifs du passé de la région. Il souhaitait ainsi dépasser le clivage entre un art local et une réception internationale. Les compositions linéaires et géométriques de Jewad Selim, ponctuées de réminiscences artistiques, apparaissent dans l’exposition à travers une œuvre au destin singulier. Il s’agit d’une peinture de la mosquée de Kufa, originellement réalisée par Jewad Selim dans les années 1980, et disparue suite aux pillages des collections d’art moderne de Bagdad. Le mirage de cette œuvre nous est offert sous le pinceau de Lorna Selim, elle-même artiste, qui a recréé fidèlement la toile de son époux plus de vingt ans après. Al-Kufa est une huile sur toile où l’architecture est réinventée par des tracés noirs très graphiques sur fond blanc, rehaussés de croissants de lune et de plages de bleu, d’orange et de jaune. Son statut est indéfinissable : ni remake ni reproduction, elle est une nouvelle œuvre authentique, dotée d’une épaisseur de sens et d’émotion incomparable.

Un musée ressuscité

Au fil de la visite, des pages du catalogue du musée national de Bagdad, pillé en 2003, sont semées ici et là sur les murs. Elles nous guident comme autant d’indices érigés en parois contre l’oubli. Au seuil de l’avant-dernière salle, un panneau nous indique : « Bienvenue au musée national de Bagdad », assorti du texte d’introduction et du plan du musée. Et si une exposition pouvait restituer l’esprit d’un musée entier ? L’artiste américain Michael Rakowtiz nous en donne l’hypothèse la plus troublante. Il a confectionné à échelle réelle les œuvres du musée de Bagdad, jusqu’au moindre détail. Ses petites sculptures en papier mâché laissent entrevoir des bandelettes et des fragments de journaux en arabe choisis par l’artiste. Figurines dérisoires et précaires, au matériau presque enfantin, elles se situent au croisement d’une histoire commune pleine de violence et de culpabilité, entre les États-Unis et l’Irak.

Regard aux aguets

Les artistes et les œuvres se dressent en témoins, par-delà leur absence même. L’exposition rend hommage aux citoyens, militants et professionnels qui tentent chaque jour de sauver le patrimoine irakien, ou du moins d’en préserver l’empreinte distante et creusée par la disparition. La dernière salle du parcours est une pièce de veille d’où le visiteur peut découvrir les actions de résistance menées pour raviver la vie artistique de Bagdad et sauvegarder son patrimoine.

Aménagée en bureau, elle est dédiée au collectif Mosul Eye, fondé en 2014 au moment de l’occupation de Mossoul par l’organisation terroriste Daesh. Leur objectif premier était d’informer et de documenter la situation quotidienne dans la ville, car aucune information ne pouvait circuler. Cette mission a gagné en ampleur en prenant appui sur un réseau important sur place et à l’étranger. Son but est de saisir, collecter, ressusciter l’héritage culturel. La bibliothèque de Bagdad, elle aussi pillée et détruite, fut ainsi garnie de nouveaux livres grâce aux membres de Mosul Eye. Leur action s’est tournée vers les artistes, musiciens et écrivains contemporains, jusqu’à mener des actes de survie éphémères franchissant les limites du risque.

On leur doit une scène presque impossible : un concert en plein air joué avec des instruments de fortune alors que Mossoul était envahi par Daesh. L’ultime trésor des artistes et activistes irakiens est leur espoir sans faille, et leur arme la plus incisive est la dérision. Une vive ironie pointe dans les trois vidéos de l’artiste Sharif Waked qui clôturent le parcours. L’artiste y détourne les terrifiantes vidéos de destruction de Daesh, y insérant des pastilles colorées flottantes d’un bord à l’autre de l’écran, ou jouant sur l’ombre d’une statue de Saddam Hussein dont la chute évoque soudain le profil incongru d’un oiseau de dessin animé.

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A mi-chemin entre guide urbain et agenda culturel, ONORIENT est un web-magazine qui célèbre l’effervescence artistique et culturelle du Maghreb et du Moyen-Orient.
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