INALCO

Colloque - Choisir sa langue. Les littératures du Moyen-Orient face au multilinguisme Lundi 17 et mardi 18 juin 2013

, par Mohammad Bakri

Choisir une langue signifie-t-il nécessairement s’inscrire dans les traditions littéraires dominantes attachées à cette langue ? Un écrivain arabe, turc ou israélien peut-il exprimer, refléter ou observer le collectif dans une langue autre que celle dans laquelle il a été élevé et a appris à appréhender le monde, ou autre que celle que parlent ses concitoyens ? En choisissant une langue d’origine, une langue de la distinction ou de la mondialisation, est-il condamné à n’exprimer que sa singularité ou sommé de s’insérer dans des traditions narratives ou culturelles étrangères à (une part de) son identité ?

Dans les sociétés post-coloniales contemporaines du Moyen-Orient, on devra s’interroger sur ce que signifie adopter la langue de la Nation et de la localité, et ce que recouvre l’emprunt d’une langue autre, qu’elle soit promesse d’universalité ou fidélité à une origine communautaire.

Si la problématique de la langue et de l’identité est au cœur des études sur les littératures francophones du Maghreb, d’Afrique ou des Antilles, ou dans le domaine anglophone une interrogation constante de la recherche sur le roman indien, les littératures du Moyen-Orient ont rarement été envisagées sous l’angle du bilinguisme. Pourtant, la langue française inscrit-elle le Caire d’Albert Cossery dans une cosmogonie différente de celle de Nagib Mahfuz ? Ecrire en russe fait-il du romancier israélien un étranger à la Nation qu’il s’est choisi ? Une identité étant nécessairement composite, l’écrivain peut se trouver contraint de se définir une identité linguistique littéraire, et de scinder ou d’éclater le pronom possessif quand il choisit « sa » langue.

Ces questionnements appellent en premier lieu une démarche comparatiste, observant si et comment les techniques narratives comme les thèmes sont informés et déterminés par le choix linguistique. Dans le cas des littératures moyen-orientales, la question de l’interdit et des limites du dicible s’impose comme piste d’explication — mais la transgression ne peut-elle s’exprimer que dans la langue de l’Autre ? Le choix est aussi lié au statut ambigu de la langue nationale, entre sacralité et objet de dérision. Mais au-delà de la perspective contrastive, cette problématique mène à une remise en cause des usages de la critique littéraire et de l’historiographie des littératures arabe, turque et israélienne : on ne saurait sérieusement supposer l’étanchéité entre les littératures multilingues issues d’une même culture, d’un même pays, ou d’une même région.

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Source de l’information :Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

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