Culture et politique arabes

Chicha et châcha : comment regarder le Mondial quand on est arabe ? Par Yves Gonzalez-Quijano

, par Mohammad Bakri


23 juin 2014


Alors que tout va mal, le Mondial offre aux Arabes qui aiment le foot – et ils sont nombreux – une parenthèse bienvenue, entre chicha et chacha, comprendre entre narguilé et écran. Pourtant, plus que jamais, le foot, surtout depuis qu’il a fait l’objet d’une énorme OPA qatarienne, est une affaire où fric rime avec politique. Avec, par exemple, ces commentaires dans Al-Akhbar à propos de l’inflation, ridicule à plus d’un égard, d’invocations divines de la part des journalistes commentant les matchs ! Exaspéré par toute cette bondieuserie totalement déplacée à propos des prénoms des joueurs et des interventions divines dans le cours de la partie, Ahmad Mohsin demande si on s’interroge sur TF1 pour savoir si Yohan Cabaye va ou non à la messe le dimanche !

En principe – mais il y a des exceptions comme on le verra, pas moyen d’échapper à la main-mise qatarie sur le football mondial si on est arabe. Hormis les richards du Golfe, et l’Algérie (seul pays arabe qualifié) qui a dû sortir 30 millions de dollars pour offrir à son peuple 24 matchs, les téléspectateurs qui veulent suivre la compétition doivent faire leur bay’a (acte d’allégeance) à l’émir du Qatar, propriétaire de beIN (ex-Jazeera sport), détenteur exclusif mondial des droits du Mondial. Pour cela, il faut acheter une petite boîte magique, un décodeur violet, pour une somme qui varie entre 230 et 280 dollars selon les pays (voir ici). Et le Qatar a mis le paquet pour décourager les plus habiles des pirates qui se sont apparemment cassés les dents sur le code qu’ils ont mis en place pour protéger leur business.

Du coup, les téléspectateurs arabes pour lesquels un tel investissement n’est même pas envisageable, et ils sont nombreux, ont recours au système D (quand ils ont de l’électricité naturellement, et pas des bombes sur leur toit ou devant leur porte). Les bons vieux « rateaux » à l’ancienne, avec des bricolages pour pousser leur portée, ont repris du service dans certaines zones de Jordanie, de Syrie ou du Liban, et de Cisjordanie naturellement, pour « pomper » les retransmissions de la chaîne israélienne.

Pour les puristes, un bon match se passe de commentaires paraît-il mais pour ceux qui souhaitent les entendre en arabe – et c’est vrai que cela peut faire beaucoup pour l’ambiance – les Palestiniens ont trouvé une solution assez amusante : désormais, à côté de la télé, il y a un poste radio, branché sur une station locale – laquelle diffuse la bande son « officielle » sur beIN ou, mieux encore, son propre commentataire en bon arabe palestinien !

Il y a d’autres solutions, à l’échelle de toute la région cette fois. Dans certains cas, on pirate les retransmissions des pays riches, en « récupérant » les signaux satellitaires moins difficiles à décrypter, sur Hotbird par exemple. Plus simplement encore, on peut se rendre – cela fait partie du plaisir – dans un des lieux publics, cafés ou restaurants, qui ont acheté une licence. En principe, les Qataris, qui ne font pas de cadeaux, font payer ce type d’abonnement plus cher mais, dans les circonstances actuelles, il y a pas mal d’endroits où il y a assez peu de chance que les inspecteurs viennent mettre les pieds !

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