Première partie
De l’Empire byzantin à la fin des Mamelouks
Les clés du Moyen-Orient
Par Roger Geahchan
Article publié le 21/05/2014
En tant qu’État reconnu par le concert des nations, le Liban est de création et d’existence récentes. Certes, le nom Liban figure dans les différentes éditions de la Bible, mais il s’agit d’une expression géographique, tout comme le nom Syrie, et non pas de la mention d’un État ou d’une nation organisée. Le territoire auquel fait référence l’Ancien Testament est habité par les Cananéens, auxquels les Grecs donneront plus tard le nom de Phéniciens, d’où l’équivoque qui fait que certains historiens parlent de la Phénicie (Renan par exemple dans son Voyage en Phénicie), alors que les Phéniciens avaient fondé des cités-États séparées les unes des autres et parfois rivales ou même antagonistes. L’État libanais n’existe que depuis le 1er septembre 1920 avec les arrêtés du général Gouraud portant création de l’État du Grand-Liban, devenu République libanaise après la proclamation de la Constitution du 23 mai 1926.
Une première entité jouissant d’un statut de droit international garanti par les grandes puissances (Grande-Bretagne, France, Russie, Autriche-Hongrie, Prusse) avait vu le jour en 1861 (voir plus bas) avec la proclamation de la Moutassarifiya, dont le territoire correspondait à la division administrative de l’actuel Mont-Liban et dont la population était composée de maronites, largement majoritaires, suivis en nombre par les druzes, puis par les grecs-orthodoxes et les grecs-catholiques. Les sunnites y figuraient en très petit nombre, vivant dans les villes du littoral syrien, tout comme les chiites regroupés dans leur bastion du Liban-sud (au Jabal Amel)...
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Deuxième partie
Le Mont-Liban pendant la période ottomane
Les clés du Moyen-Orient
Par Roger Geahchan
Article publié le 26/05/2014
La conquête ottomane (1516) mit fin au règne des mamelouks. Pendant quatre cents ans, la Sublime Porte gouvernera, outre ses possessions européennes, des provinces qui avaient successivement fait partie des empires arabes musulmans omeyyade, abbasside, puis fatimide, avant de subir le joug mamelouk.
Contrairement à leur présence dans les Balkans et en Arménie et aux insurrections qu’elle devait provoquer dans les rangs des populations chrétiennes, provoquant l’intervention des puissances européennes dans ce qui est connu depuis lors sous le terme de question d’Orient, les Ottomans réussirent à faire accepter leur présence dans les provinces arabes à population musulmane largement majoritaire en assumant le rôle de successeurs des califes. Le sultan, prenant la suite de Mahomet par autoproclamation, devenait de ce fait le chef de la Umma, la communauté des croyants, ayant pour mission sacrée de gouverner suivant les règles révélées au Messager d’Allah et consignées dans le Coran et la Sunna.
Aux populations chrétiennes des pays qu’ils ont conquis, les Ottomans confèrent le statut de dhimmis. Mais la condition des gens est différente suivant qu’il s’agit du littoral ou de la montagne. Dans les villes et villages de la zone côtière, les sujets du sultan relevaient directement en général de l’autorité du wali (gouverneur) turc, tandis qu’au Mont-Liban, la structure féodale de la société imposait, entre la masse et le gouverneur désigné par la Sublime Porte, un intermédiaire, le seigneur local, émir ou cheikh, ayant généralement pour principale fonction de collecter les impôts au bénéfice de l’administration ottomane. Deux figures émergent au Mont-Liban sous l’occupation ottomane, d’abord celle de l’émir druze Fakhreddine II, du clan des Maan, dont le dernier représentant, Ahmed, s’est éteint en 1697, ensuite celle de l’émir Béchir II Chéhab, dont deux des aïeux, l’émir Youssef et son frère Kassem, sunnites d’origine, s’étaient convertis au maronitisme. (Béchir reviendra à la religion de ses ancêtres pour se marier.)...
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Troisième partie
De 1918 à 1943
Les clés du Moyen-Orient
Par Roger Geahchan
Article publié le 30/05/2014
Les hachémites et les alliés
Le 1er octobre 1918, les troupes britanniques occupent Damas. Le même jour, l’émir Fayçal, le fils du chérif Hussein al-Hachimi, (le prophète Mahomet appartenait à la tribu des Hachem), gardien des lieux saints de La Mecque et de Médine, fait son entrée dans la vieille capitale des Omeyyades. Hussein avait obtenu, par un échange de lettres avec le haut-commissaire de Grande-Bretagne en Égypte et au Soudan, sir Henry Mac-Mahon, la promesse que Londres reconnaîtrait, à la fin de la guerre, l’indépendance des pays arabes à condition que ces derniers s’engagent aux côtés des Alliés (la correspondance Hussein-Mac Mahon s’étalera du printemps 1915 au 30 janvier 1916).
Dans l’esprit du hachémite, le califat devait lui revenir et, au lendemain de la guerre, les pays arabes devaient être regroupés sous son sceptre. Outre l’engagement de Londres de reconnaître l’indépendance des pays arabes, Mac-Mahon ne lui avait-il pas écrit que « le gouvernement de Grande-Bretagne considérera avec faveur le transfert du califat à un vrai Arabe descendant de la ligne bénie du Prophète » ?
Sur la base de l’engagement britannique, Hussein lance un appel au jihad contre l’Empire ottoman. Et c’est l’émir Fayçal, un de ses quatre fils, qui, à la tête des tribus du désert, prend la direction des opérations militaires avec, à ses côtés, son conseiller, le célèbre colonel Lawrence. Cette campagne devait être d’une précieuse utilité aux Alliés et Lawrence, dans son célèbre Les sept piliers de la sagesse, véritable œuvre de sociologie et journal de guerre en même temps, en fait le récit émouvant...
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Quatrième partie
De l’indépendance à la guerre civile libanaise
Les clés du Moyen-Orient
Par Roger Geahchan
Article publié le 04/06/2014
Béchara el-Khoury et Riad el-Solh
Le Liban accède à l’indépendance le 22 novembre 1943 en grande partie grâce à l’association politique de deux leaders, l’un maronite de vieille souche, Béchara el-Khoury, et l’autre sunnite, Riad el-Solh, appartenant à une famille de notables originaires de Saïda qui avaient déjà occupé des fonctions importantes au temps des Ottomans.
Solh, nationaliste arabe, militant infatigable dont l’activisme lui valut, sous l’occupation turque, d’être condamné à mort et, sous le mandat, d’être emprisonné ou proscrit à diverses reprises [1], comprit, grâce à sa vive intelligence et à son sens politique aigu, que son rêve d’unité arabe était désormais dépassé du fait des décisions prises par les puissances d’ériger en États reconnus par le concert des nations les différentes anciennes provinces arabes de l’Empire ottoman. Il se rallia ainsi à l’idée du Liban islamo-chrétien sans que l’on ait pu jamais savoir si ce ralliement était sincère et définitif.
Assassiné à Amman en 1951, il disparut de la scène politique avant que n’éclatent les crises fatidiques qui jetèrent une fois de plus chrétiens et musulmans libanais dans des camps opposés irréconciliables, les premiers privilégiant l’intérêt national tel qu’ils le conçoivent, les seconds voulant mettre le Liban à la remorque de tel ou tel État arabe ou régional, ou de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Pendant les deux premières années de la Guerre du Liban, le chef de l’OLP, Yasser Arafat, fut le gouverneur effectif de la partie ouest de la capitale et de certaines parties du Liban-Sud et certains sunnites allaient répétant que l’armée de Yarzé (siège du ministère de la Défense) était l’armée des maronites, tandis que les fédayins palestiniens étaient l’armée des musulmans. Les chiites du Liban-Sud, dont les biens subissaient de lourds dégâts du fait des raids lancés par les Israéliens en représailles aux attaques des fédayins, ne partageaient pas l’avis des sunnites.
Le cas de Béchara el-Khoury, l’autre artisan de l’indépendance, est exemplaire. Sa culture et les voies qu’il avait empruntées pour arriver à la présidence de la République (il fut élu le 21 septembre 1943), le prédisposaient à ne pas avoir de problème identitaire, contrairement à beaucoup de chrétiens. Il prend conscience du mal libanais qui pousse les milieux politiques et les masses, sous l’effet de forces centrifuges nées d’idéologies opposées, d’arrière-pensées et de peurs confessionnelles, à déterrer la hache de guerre chaque fois que la tension devient trop forte. Il est imbu de sa « maronité », mais ne la conçoit pas comme un « maronitisme ».
Dans le Liban qui fait ses premiers pas sur la scène régionale en tant qu’entité distincte, il estime que la stabilité politique et économique, que l’avenir, dépendent en partie de l’ouverture sincère du pays sur son environnement arabe, sans frilosité viscérale, mais aussi sans suivisme, sans alignement sur des voisins plus puissants et sans liens particuliers avec la puissance mandataire. Cette politique, dans son esprit, devrait permettre de faire contrepoids à l’irrédentisme arabe. De cette conception naîtra, en 1943, le Pacte national, qu’il conclura avec Riad el-Solh, acte fondateur d’un Liban émancipé de la tutelle de la France et ayant intégré, sur le double plan politique et culturel, sa composante arabe et musulmane.
Et pourtant, lors de la crise de 1952, quand, sous l’impulsion de Camille Chamoun et de Kamal Joumblatt, le pays se mit en grève pour obtenir sa démission, il ne trouva plus, lui l’artisan avec Solh du Pacte national, c’est-à-dire de la formule destinée à assurer la stabilité de la République grâce à l’entente maronito-sunnite, il ne trouva plus un seul présidentiable sunnite pour accepter de former un gouvernement et il fut contraint d’abandonner la présidence...
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Cinquième partie
la guerre civile libanaise
Les clés du Moyen-Orient
Par Roger Geahchan
Article publié le 10/06/2014
Dans les premières semaines de cet interminable conflit armé, qui fera des centaines de milliers de morts, videra le sud du Mont-Liban de sa population chrétienne et détruira le fruit d’un demi-siècle de développement culturel et économique – une catastrophe dont les effets persistent jusqu’aujourd’hui –, les milices chrétiennes ont l’avantage. Elles franchissent la rue de Damas (la « frontière » entre les zones chrétienne et musulmane de Beyrouth), occupent le centre-ville, le port, ainsi que le quartier des grands hôtels en bord de mer et se constituent un trésor de guerre en les pillant.
Les auteurs du conflit
Encadrées, armées et financées par l’OLP, des milices voient le jour dans les régions musulmanes. L’une de ces organisations, les Mourabitoun, avec l’aide de combattants palestiniens entraînés aux combats de rue, lance une contre-offensive, déloge du centre-ville les Kataëb, qui se replient à l’est de la rue de Damas, ligne de démarcation qui perdurera jusqu’à la fin de la guerre en 1990 et qui persiste dans les esprits.
L’armée libanaise n’intervient pas pour deux raisons : le président du Conseil, Rachid el-Solh, s’y oppose, estimant qu’elle ferait le jeu du camp chrétien, et l’état-major craint qu’elle n’éclate en unités antagonistes suivant les lignes de clivages politiques et confessionnels. En pratique, tout l’État est paralysé et ce sont les différentes milices qui imposent leur loi, chacune dans son secteur.
Au Chouf, Kamal Joumblatt, qui dirige le Mouvement national (un regroupement hétéroclite comprenant des organisations de gauche, d’autres gauchistes, le Baas pro-irakien, et des organisations inféodées à l’OLP), a lui aussi mis sur pied une milice. Dans son for intérieur, il espère réussir par la force et avec l’aide des Palestiniens à mettre fin à la domination des maronites, ce qu’il n’a pu faire par la politique. Ces combattants, et des troupes de l’OLP, que les médias appellent les forces palestino-progressistes, lancent une offensive commune contre le réduit chrétien au Mont-Liban.
Pour les chrétiens, la situation est grave. D’autant plus que les dirigeants de l’OLP, grisés apparemment par leurs succès militaires, insinuent qu’ils pourraient prendre le contrôle du pays tout entier afin d’en faire une base pour la reconquête de la Palestine. Le bras droit d’Arafat, Abou Ayad (de son vrai nom Salah Khalaf), n’a-t-il pas déclaré que la route de Jérusalem passe par Jounieh, ville considérée comme le cœur même du pays maronite !
Dans les médias et au sein de l’opinion publique, commence à se répandre l’idée que la seule façon de mettre fin à la guerre consiste à partitionner le Liban en deux parties, l’une pour les chrétiens de diverses confessions, l’autre pour les musulmans (sunnites, chiites et druzes) qui n’auraient qu’à se débrouiller avec la présence de l’OLP et de ses combattants. Cette idée de partition caressée par les chrétiens est d’autant plus curieuse que c’étaient eux-mêmes qui avaient réclamé le rattachement au Mont-Liban des régions à populations musulmanes en soulignant que sans l’élargissement de ses frontières de 1861 le Liban ne serait pas « viable »...
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Roger Geahchan
Roger Geahchan est journaliste libanais, ancien rédacteur en chef adjoint du quotidien L’Orient-Le Jour, ancien correspondant pigiste des quotidiens Le Monde et La Croix, ainsi que de la radio RTL.
Dernier ouvrage paru : "Hussein Aoueini, un demi-siècle d’histoire du Liban et du Moyen-Orient", Beyrouth, Éditions FMA, 533 p. 2000.
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