Journée d’étude en visioconférence le 24 juin 2021 sur le thème " Eau et agriculture dans le monde arabe

La sécurité alimentaire a toujours constitué une préoccupation majeure des gouvernements arabes. Historiquement, la région a connu différents paradigmes alimentaires et agricoles allant des intérêts impériaux et coloniaux dans la monoculture industrielle, aux objectifs d’autosuffisance sous le nationalisme arabe, jusqu’au néolibéralisme contemporain (Riachi & Martiniello, 2019 ; Woertz, 2013). La diversité des modèles étatiques que revêt la région, de l’État rentier à l’État en déliquescence, explique en partie les évolutions divergentes d’un pays à l’autre.

Bien que la question de la sécurité alimentaire soit étroitement liée à l’économie politique de la région, la plupart des études et rapports sur le sujet, ont constamment pointé la croissance démographique et la rareté des ressources naturelles, telles que l’eau et la terre, comme étant les principaux moteurs de celle-ci (Banque Mondiale, 2007). Or, cette lecture qui revêt des résonances ouvertement malthusiennes, ne tient pas compte de la nouvelle orientation vers un extractivisme agricole au Moyen-Orient et ce, sous la pression d’un environnement mondial qui a poussé les pays arabes à aligner leur modèle de développement sur celui des pays occidentaux (Banque Mondiale, 2008).

Ce modèle est basé sur une agriculture capitaliste accompagnée de politiques agricoles nationales qui visent à réorienter l’agriculture traditionnelle vers des cultures de rente ou d’exportation pour les inscrire dans un marché mondialisé. Ces cultures de rente nécessitent souvent une réallocation des ressources hydriques vers une agriculture irriguée. Cette dernière requiert bien souvent des grandes parcelles de terre, une réalité qui n’est pas sans avoir des conséquences pour la tenure foncière et l’organisation sociale des sociétés (Trottier, 2020 ; Perrier, 2021).

On voit ainsi apparaître un lien intrinsèque entre les politiques agricoles et une pénurie d’eau construite, elle aussi politiquement, pénurie générée par une utilisation intensive de cette ressource dans l’agriculture capitaliste. Il est toutefois intéressant de voir comment cette agriculture a été justifiée au nom de sa plus grande efficience et rentabilité économique (Molle, 2007), alors même qu’elle a signifié la destruction de pratiques agricoles traditionnelles plus durables et plus soucieuses d’une gestion équilibrée des ressources en eau.

Le développement agricole des pays arabes est donc intrinsèquement lié aux problématiques de la gouvernance de l’eau, car l’agriculture présente à elle seule environ 85 % des prélèvements totaux en eau au Moyen-Orient. Compte tenu de cette situation, et prenant en considération que la région du Moyen-Orient est présentée comme l’une des plus pauvres en eau d’ici 2050 (World Resource Institute, 2019), il devient urgent de repenser le modèle agricole qui se trouve à l’origine de ce déséquilibre. Un modèle agricole moins tourné vers l’export et davantage axé sur les spécificités géographiques et hydriques de chaque pays, permettrait-il de lutter efficacement contre la « pénurie d’eau » dans la région ?

Enfin, poser la question de l’eau, nous invite également de considérer le ou les cadres juridiques qui gouvernent cette ressource...

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