David Amsellem, La guerre de l’énergie - La face cachée du conflit israélo-palestinien

, par Mohammad Bakri


Les clés du Moyen-Orient


Les clés du Moyen-Orient
Compte rendu d’Allan Kaval
Article publié le 16/01/2014


David Amsellem offre une lecture éclairante d’un aspect rarement évoqué du conflit israélo-palestinien, celui des rapports de forces qui opposent ses acteurs sur l’accès et l’utilisation des ressources énergétiques.

David Amsellem aborde le conflit israélo-palestinien à travers le prisme des ressources énergétiques et du rapport de force dont elles constituent l’enjeu, entre l’Etat israélien, l’Autorité palestinienne, le Hamas, les États voisins et la communauté internationale. Le choix de cette clé de lecture permet une mise en perspective éclairante sur un conflit usuellement abordé sous les angles sécuritaire, politique et diplomatique. Rarement évoqué, son aspect énergétique est pourtant fondamental dans la mesure où il détermine et explique les autres dimensions du conflit : pas de supériorité militaire sans contrôle des sources d’énergie, pas de légitimité politique sans garantie d’accès pour les populations, pas de souveraineté sans contrôle du réseau. La redéfinition de la question énergétique en Méditerranée orientale, de même que les débats incessants sur la création d’un État palestinien, rendent cet ouvrage, paru en 2011, nécessaire à la compréhension d’une situation dont les déterminants structurels n’ont pas changé.

L’ouvrage de David Amsellem débute sur la mise en évidence des enjeux énergétiques de l’inscription d’Israël dans un environnement hostile sur le plan politique et déconnecté sur le plan économique. Dès avant la proclamation de l’État d’Israël, les réalisations du mouvement sioniste en Palestine sont fondées sur un modèle de développement économique très consommateur en énergie car conforme à l’état d’avancement technologique de l’Occident industriel. Mis en application sur un territoire exigu, coupé de son environnement régional par le conflit israélo-arabe, ce modèle implique pour l’État hébreu une situation d’insularité énergétique d’autant plus problématique que son territoire est dépourvu de ressources en hydrocarbures. À titre d’illustration, la consommation d’énergie par habitant en Israël, trois tonnes d’équivalent pétrole, approche celle du Royaume-Uni en 2010. Elle est trois fois plus importante qu’en Égypte et deux fois et demie plus importante qu’au Liban. L’approvisionnement énergétique d’Israël ne peut se faire que par le contournement de ses voisins arabes. En effet, le blocus déclaré suite à la guerre de 1948 et l’embargo décidé par l’OPEP n’ont pas porté leurs fruits, les mesures de rétorsion décidées par cette dernière suite à la Guerre du Kippour en 1973 ont montré l’efficacité de l’outil énergétique en matière diplomatique par la pression exercée sur les alliés de l’État israélien.

Ces facteurs induisent une situation de stress énergétique qui explique la stratégie de contournement suivie par Israël pour son approvisionnement en hydrocarbures. En effet, les économies d’énergies et la diversification des ressources ne peuvent suffire à assurer la sécurité énergétique de l’État : si le charbon représente les trois quarts de la production d’électricité, son exploitation ne couvre que 30% des besoins totaux en énergie tandis que le nucléaire ne peut se substituer au pétrole et au gaz pour des raisons sécuritaires, environnementales et diplomatiques. Longtemps envisagé comme l’unique palliatif à l’insularité énergétique israélienne, le contournement reste une solution imparfaite car tributaire de la relative volatilité géopolitique qu’implique la nature singulière de l’État hébreu au delà même de son entourage régional immédiat. En effet, si l’occupation du Sinaï par Israël après la Guerre des six jours aurait pu permettre au pays d’assurer à terme son autonomie énergétique par l’exploitation des gisements de pétrole que recèle le sous-sol de ce territoire, son évacuation était le prix d’une paix durable avec l’Égypte. Bien que garantissant sous parrainage américain l’approvisionnement d’Israël en gaz égyptien, la paix entre Le Caire et l’État hébreu ne peut assurer de manière structurelle la sécurité énergétique israélienne. La relation stratégique qui unissait Israël à l’Iran du Shah depuis 1950 n’a évidemment pas survécu à la chute du régime impérial et à la proclamation de la République islamique en 1979 dont le rejet d’Israël constitue toujours un des fondements idéologiques. La décomposition de l’URSS a ouvert de nouvelles perspectives avec l’indépendance d’anciennes républiques soviétiques riches en hydrocarbures en Asie centrale et dans le Caucase mais la mise en place et le bon fonctionnement de voies d’acheminement (gazoducs, oléoducs et liaisons maritimes) permettant l’approvisionnement de l’État hébreu reste tributaires des relations instables d’Israël avec Moscou et avec Ankara.

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David Amsellem, La guerre de l’énergie – La face cachée du conflit israélo-palestinien, Paris, Vendémiaire, 2011, 183 pages.


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