Darwin et al-Ğāḥiẓ : même combat ? Kitāb al-Ḥayawān rédigé par al-Ğāḥiẓ anticipe-t-il la théorie de l’évolution des espèces ?

Bagdad, en 847. Le vizir Muhammad ibn al-Zayyāt, grand promoteur du savoir et de la culture, reçoit un ouvrage dédicacé de la part de l’un de ses protégés. Il s’agit du Kitāb al-Ḥayawān, le Livre des animaux, rédigé par d’Abu Uṯmān ‘amr b.Baḥr al-Kinānī al-Fuqaymī al-Baṣrī, plus connu sous le sobriquet al-Ğāḥiẓ – ce qui veut dire « celui aux yeux exorbités ». Un ouvrage monumental, qui, selon certains, anticiperait la future théorie de l’évolution des espèces…

Les Arabes et les animaux, une longue histoire…

Al-Ğāḥiẓ est né vers 776 à Basra, métropole cosmopolite et commerçante, foyer d’une intense activité intellectuelle et creuset de la culture arabo-islamique. Aux alentours de 820-825, il s’installe à Bagdad, capitale du califat abbasside. La ville est alors marquée par une effervescence intellectuelle et scientifique : on écrit, on débat on expérimente, on innove, dans le domaine scientifique, comme dans le domaine politique et religieux. Pour la science écrite en arabe, c’est une période importante : celle de l’invention de l’algèbre par exemple, des avancées en astronomie, en médecine, en optique. C’est aussi le grand moment où on traduit en arabe la science indienne, persane, et surtout grecque, laquelle se diffuse ensuite largement grâce à l’introduction du papier.

Al-Ğāḥiẓ connaît Hippocrate, Platon, Galien, Polemon, Apollonius de Tyane et surtout Aristote, à travers la traduction d’une grande partie de son corpus zoologique. Mais il se nourrit également de la culture orale et de la poésie arabes pré-islamiques, dont les vers abondent en descriptions très précises de la faune et de la flore du désert. Enfin, en homme de terrain, al-Ğāḥiẓ confronte ces données à son propre examen et, en rationaliste influencé par la dialectique grecque, soumet ses connaissances à l’exercice de la raison.

Parmi tous les sujets possibles, il s’intéresse aux animaux. Notons qu’il ne fait pas les choses à moitié : son livre est composé de 7 volumes de 400 pages chacun ! Il ne s’agit pas d’une simple compilation de données, mais de la mise au point d’une véritable science zoologique, bien distinguée dans les classifications des savoirs arabes. En Occident, il faudra attendre le XVIIe siècle pour que la « science des animaux » soit véritablement théorisée comme telle...

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Lien : Lire l’article de Meyssa Ben Saad sur Actuel Moyen Âge

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