Arabian Humanities 6 | 2015 - Circulations dans la péninsule Arabique pendant la Première Guerre mondiale

, par Mohammad Bakri

En ce centenaire de la Première Guerre mondiale, les côtes arabes et européennes de la mer Méditerranée semblent n’avoir jamais été aussi proches. Pourtant, des frontières bien réelles existent. Les routes incertaines qui traversent les déserts de Libye et du Sinaï et les embarcations fragiles parties depuis les côtes syriennes, libyennes ou du fin fond de la mer Rouge sont, pour les réfugiés poussés par la guerre, la misère et les dictatures, de minces et périlleux sillons qui permettent de les dépasser et de les contourner.

De fait, ce que l’Orient arabe pourrait aussi commémorer, avec le centenaire de la guerre, ce sont les cent ans de ses frontières et de ses États, dont les principes géopolitiques ont été dessinés par les Alliés dans la perspective de l’effondrement de l’Empire ottoman. Jusque-là, l’Orient ottoman, la mer Rouge et la Méditerranée constituaient un vaste espace de circulations et d’échanges, dont la densité était source de dynamisme et de richesses — tout comme de conquêtes politiques et militaires. Le grand conflit mondial y commença d’ailleurs beaucoup plus tôt qu’ailleurs, avec l’occupation de la Libye par l’Italie en 1912 et le blocus maritime que cette dernière imposa simultanément sur les côtes arabo-ottomanes du Hedjaz et du Yémen pour empêcher toute entrave à cette conquête. Avec le blocus subséquent des Britanniques en 1915, la libre circulation des individus, des biens et des marchandises marqua le pas, laissant la place aux mouvements de troupes lors du déclenchement de la Grande Révolte arabe en 1916, soutenue par les Britanniques et les Français.

Avec le dossier sur les « Circulations dans la péninsule Arabique et la mer Rouge » dirigé par Ulrike Freitag, Philippe Pétriat et Martin Strohmeier, cette sixième édition d’Arabian Humanities entend donner à regarder au-delà de l’épisode de la Révolte arabe. Elle donne à voir, plus précisément, une région, le Hedjaz et la mer Rouge, qui continue de s’imposer comme un espace de circulations incontournable malgré les entraves fixées par la guerre. Pour la plupart des belligérants (Turcs, Allemands, Français et Britanniques), la quête d’un dénouement heureux au conflit fait de cette zone l’horizon d’une attente portée par la place donnée soudainement à l’islam, ses lieux saints, ses croyants et ses grandes figures.

Ce numéro commémore donc aussi, dans une certaine mesure, un épisode important dans l’histoire des connexions entre l’Europe et les pays d’islam, et dans celle des représentations de l’ailleurs comme solution extrême. Une dernière dimension rappelée avec urgence par l’actualité en mer Méditerranée.

Editorial de ce numéro

Consulter le numéro en ligne sur le site d’Arabian Humanities

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