Magazine Moyen-Orient n° 29, Janvier-Mars 2016 Arabie Saoudite

, par Mohammad Bakri

Tous les trois mois, découvrez dans Magazine Moyen-Orient, les meilleures analyses sur le monde arabo-musulman accompagnées de nombreuses cartes et illustrations.

Par Guillaume Fourmont

La tentation est grande, mais nous ne le ferons pas. Non, nous ne citerons pas le Coran ou tout autre texte islamique pour répondre aux auteurs des attentats de Paris du 13 novembre 2015. Car il n’est pas question de religion, sinon de terrorisme. Pourquoi en finir avec sa propre vie et celle des autres dans des lieux aussi banals que la rue, une salle de spectacle et un stade ? Au nom de la guerre civile en Syrie ? Une excuse de plus dans un processus de radicalisation d’esprits en perte (ou en quête) de repères et d’éducation. Car, comme l’a justement analysé le chercheur français Olivier Roy, nous sommes face à une islamisation de la radicalité et non face à une radicalisation de l’islam.

La terreur a l’avantage de choquer les esprits et de laisser la haine se répandre, sans avoir besoin d’aucune idéologie. C’est le cas de ces jeunes gens auteurs du massacre à Paris, dont la cause reste indéchiffrable. Ils se sont comme ralliés à un mouvement qui leur semble dans l’air du temps sans mesurer le danger pour les autres et eux-mêmes. Un peu comme on entre dans une secte, finalement. Sauf que la fin est apocalyptique ; elle est un rejet de la société et de soi-même puisqu’elle conduit à la mort. Jouons le jeu de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech) : ne voulait-elle pas appeler le plus grand nombre à la rejoindre pour faire revivre le « califat » ? Arrêtons là et revenons à la révolte nihiliste.

Contrairement aux idées véhiculées par une certaine extrême droite, tous les musulmans de France et d’Europe ne vont pas se lever au nom du djihad ; le radicalisme revendiqué du salafisme est le fait d’une petite minorité, dangereuse certes, mais isolée. Qu’ils soient des Français « de souche » convertis ou issus de l’immigration, les aspirants membres de Daech n’ont pas de passé religieux, aucune tradition orale ou écrite transmise, ne côtoyant pas la communauté dans des centres sociaux et dans les principales mosquées, ne s’intéressant pas ou peu à la théologie. Ils choisissent un islam fabriqué et manipulé sur Internet, où il est si simple de s’autoconvaincre de tout et n’importe quoi. Un islam dit « pur » ; peu importe les nuances, il faut rompre avec tout le reste, surtout sa famille. Le salafisme est « à la mode », c’est la version « tendance » de l’islam sur le marché. Pour combien de temps ?

On pourrait demander à l’Arabie saoudite, sujet de ce premier numéro de l’année 2016. L’objectif n’est pas de savoir si Riyad verse des milliards pour diffuser ses idées, mais de montrer la réalité d’un des plus importants États du Moyen-Orient, avec lequel il faut malgré tout compter, duquel il faut apprendre les modes de pensée. Cela peut être utile pour lire et comprendre l’islamisation de la radicalité et la radicalisation de l’islam. Car l’EI est bien apparu en terre d’islam, où il s’installe tel un cancer dévorant les cœurs et les esprits, où il reprend les diatribes des « théologiens » du djihad, tels l’Égyptien Abou Abdullah al-Muhajir ou le mystérieux (est-il le pseudonyme d’un collectif ?) Abu Bakr Naji. Leurs écrits existent et sont malheureusement relayés. De quel droit cette organisation utilise-t-elle l’islam pour instaurer une dictature ? La tentation est grande de citer le Coran pour rappeler que la religion est paix. Mais nous ne le ferons pas. Au nom d’une liberté de conscience plus que jamais nécessaire.

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En écho à la sortie du numéro 29 de Moyen-Orient , l’IREMMO a organisé le 20 janvier 2016 un débat sur l’« Arabie saoudite : enjeux régionaux et sociétaux ». Retrouvez la vidéo ici.

Pour en savoir plus : www.iremmo.org

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