Les femmes arabes en Amérique Latine

, par Mohammad Bakri


Les clés du Moyen-Orient
Par Anaïs Mit
Article publié le 02/05/2014


Des femmes arabes en Amérique latine ? Ce sujet pourrait apparaître comme relevant d’un fait minime, d’une anecdote. Et pourtant… Pourtant, l’immigration arabe a été et reste encore très importante dans l’ensemble de l’Amérique latine. D’abord à la fin du XIXe siècle, les populations venues du Moyen-Orient se sont installées en tant que commerçants. Cette expatriation comme ressource économique contribua à l’installation progressive des migrants d’origine arabe, économiquement parlant. L’espace commercial devient alors un espace social et un espace identitaire. Les vagues suivantes d’immigration sont elles plus liées aux contextes politiques des pays d’origine, comme les nombreux Palestiniens qui sont arrivés après la création d’Israël, après la Guerre des Six Jours en 1967 ou encore au lendemain de la seconde Intifada, au début des années 2000.

Selon un « guide de l’immigration arabe en Amérique latine » publié en 1941, presque 80% de ces migrants étaient des hommes, et dans ce contexte, les migrations féminines sont devenues dépendantes de celles des hommes : les femmes voyageaient aussi bien en tant que filles avec leurs parents, ou en tant qu’épouses. N’étaient-elles pourtant que des filles, épouses ou mères ? Ou les femmes d’origine arabe se sont-elles impliquées dans leurs pays d’accueil ?


Place et rôle dans le foyer et dans la société


Les femmes d’origine arabe en Amérique latine sont loin de s’épanouir comme leurs homologues masculins dans le monde des affaires, de l’art, ou de la politique. Et de fait, durant des années, aux yeux des sociétés latino-américaines mais aussi sur le plan de la recherche, les femmes d’origine arabe sont apparues comme pouvant être identifiées en tant qu’épouses, sœurs, filles, mères, etc. Aux yeux des gouvernements, elles étaient avant tout les accompagnatrices d’hommes qui sont venus en Amérique latine pour travailler. Et de fait, alors que les hommes, à leur arrivée en Amérique latine à la fin du XIXe siècle ont réalisé leur « rêve américain », représenté par leur insertion économique impressionnante, les femmes elles, ont simplement perçu le déracinement culturel que représentait cette venue. De plus, venant de sociétés patriarcales, et s’installant dans des sociétés patriarcales, ces femmes se sont vu imposer un modèle familial strict, où leur seul rôle était de rester au foyer.

Mais c’est dans cet espace que les femmes arabo-latinoaméricaines ont développé une sociabilité particulière. En effet, le foyer familial devient le lieu par excellence de défense de leur identité, avec la préservation des valeurs, de la cuisine, etc. : en son sein, « elles perpétuent ce sans quoi être arabe n’aurait simplement plus de sens ni de consistance » [1]. Elles sont donc les gardiennes d’une identité arabe, les préservatrices de traditions et de valeurs. Une illustration de cette préservation de la culture et de l’identité arabes se trouve dans le film Des femmes et des racines [2], tourné en Equateur, qui présente entre autres le portrait de trois femmes aux trajectoires complètement différentes et à la perception de la préservation de leur « arabité » bien distinctes. La première est ministre du Commerce extérieur, candidate à la présidence de son pays. La seconde est une prédicatrice musulmane, issue d’un couple mixte libano-équatorien, ayant pris conscience de sa vocation après qu’un imam venu du Mexique lui eut fait remarquer que le premier musulman était en réalité une musulmane, Khadîdja, première épouse du Prophète. Quant à la troisième, une militante pro-palestinienne, elle milite pour la cause arabe dans tout le continent. Ce sont ces trois perspectives que les femmes d’origine arabe ont su développer et mettre à profit au sein de l’Amérique latine. Et ces mêmes femmes affirment aussi être équatoriennes, colombiennes, argentines, ou chiliennes, comme si c’était bien cette dimension de leur identité, avec l’espace de liberté et d’autonomie qu’elle leur propose, qui constituait le cadre dans lequel peut s’épanouir et se perpétuer leur identité arabe. C’est donc aussi par ce biais que les femmes vont réussir petit à petit, à créer un lien entre leurs pays d’origine et leurs pays d’accueil, mais aussi à se mobiliser et à mobiliser leurs sociétés...

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