Désenchantés, les Algériens ? Le qualificatif revient souvent et résume assez bien un sentiment national fait de fierté, mais aussi de colère et de frustrations. Toutefois, ces passionnés de l’autocritique sont aussi des impatients, avides de changement, qui savent se montrer aventuriers et créatifs dans le moment même où ils regardent l’avenir avec appréhension. Ils y entrent pourtant, poussés par une jeunesse à la vitalité inquiète qui hésite entre les appels contradictoires de la religion et de la consommation de masse.
Et si les années ont passé depuis la fermeture sanglante d’une décennie de terrorisme, les Algériens ont surtout à réapprendre la confiance en eux. Ils ont, en la matière, une avant-garde de choc : les Algériennes affichent, dans une société volontiers hostile, l’énergie de celles qui n’ont d’autre choix que l’espoir.
Thierry Perret , ancien journaliste à Radio France Internationale, a écrit plusieurs livres sur l’Afrique et codirigé l’ouvrage Les 100 Clés de l’Afrique (Hachette Littératures/RFI, 2006). En 2014, il a publié Mali, une crise au Sahel (Karthala). Il a été attaché culturel en Algérie de 2010 à 2014.
2 avril 2016
Ameziane Farhani
Les Algériens si méconnus !
C’est le titre du récent essai de Thierry Perret, ancien journaliste, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Afrique, bien connu en Algérie puisqu’il y a été attaché culturel de l’ambassade de France de 2010 à 2014.
A partir de son vécu dans notre pays et sur la base d’une trentaine d’entretiens ou de portraits, il propose une vision des Algériens dans la collection Lignes de vie d’un peuple aux éditions HD dont le fondateur, Henri Dougier, n’est autre qu’un des dirigeants de l’ancienne et excellente revue Autrement.
Comme son nom l’indique, la collection s’intéresse aux peuples du monde entier et non aux pays proprement dits. Elle vise en quelque sorte à capter « l’âme » d’une population à partir d’un inventaire non exhaustif de ses passions, appréhensions, espoirs… Le livre sur les Algériens accompagne désormais une vingtaine de titres de la collection qui en prépare une dizaine d’autres.
Le concept peut être décrié, car comment « décrire un peuple » à partir d’une trentaine de personnes ? Justement en refusant de le décrire et en s’attachant avant tout à le comprendre. Thierry Perret a tenu d’ailleurs, à travers une déclaration d’intention préliminaire, à préciser son dessein, ne cachant pas son empathie pour le pays et ses habitants.
Il l’affirme dès le début : « Quand on vit en Algérie, comme ce fut souvent mon cas à une époque récente, on rencontre souvent la curiosité de Français qui vous demandent : ‘’Ah, bon, vous êtes à Alger. Et… ça va ?’’ Comme on comprend ce qu’il peut y avoir dans la question, l’usage est de répondre : ‘’Magnifiquement !’’ La perplexité suscitée est toujours savoureuse. On peut alors développer – le climat, la généreuse cordialité des gens, et puis surtout ce paradoxe : les Algériens, c’est vrai, sont compliqués. C’est justement ce qui les rend passionnants ! ».
Il y a là tout l’esprit de cet essai (en fait, plutôt un témoignage) qui, essentiellement, fait parler des Algériens, entre artistes, entrepreneurs, auteurs, journalistes, chercheurs et membres de la société civile.
Le premier entretien sur le contexte sociopolitique, avec le sociologue Nacer Djabi, pose d’emblée quelques spécificités de l’Algérie : « L’Algérie n’est pas un pays facile. On observe ici des tendances sociétales qui sont parfois proches des pays d’Amérique latine, pas du monde arabe. C’est le seul pays arabe qui a vécu une véritable guerre de libération, le seul qui a connu une lourde colonisation ayant changé profondément la société. Et cela a entraîné des choses spécifiques dans le rapport au politique, au religieux et dans les relations entre Algériens ». Ce n’est là qu’un des points de vue qui portent aussi sur l’économie, la culture, l’art, la vie quotidienne, etc.
Au final, en dépit de quelques imprécisions et inexactitudes disons inévitables, un livre très intéressant, destiné avant tout aux Européens et surtout aux Français pour leur montrer que « les Algériens ne sont pas ceux que l’ont croit ». Mais à maints égards, les Algériens peuvent tirer profit de sa lecture et découvrir aussi qu’en certains points, ils ne sont pas ceux qu’ils croient. Il est toujours positif de s’intéresser au regard des autres sur soi. -
Editions HD (ateliers Henri Dougier), Paris, 2016. 144 p.
Sur le site du journal algérien El Watan
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