Islam - إسلام

Le pèlerinage à La Mecque : une industrie sous contrôle

, par Mohammad Bakri


Par Sylvia Chiffoleau
29 avril 2014
Domaine(s) : International


La vie des idées


En confrontant la pratique contemporaine du pèlerinage musulman à ses manifestations passées, Sylvia Chiffoleau montre comment les dispositifs de contrôle mis en place de longue date ont été renforcés et élargis par la dynastie des Saoud pour faire face à la massification des flux humains, mais aussi renforcer sa légitimité.

Au cours de l’été 2013, les autorités saoudiennes annoncent brusquement une baisse de 20 % des quotas annuels de croyants étrangers autorisés à faire le pèlerinage à La Mecque (hajj), et de 50 % pour les ressortissants saoudiens. La décision, divulguée trois mois avant la date du pèlerinage, vient déstabiliser l’important dispositif administratif, étatique et privé destiné à gérer ces quotas dans les pays d’où partent les pèlerins musulmans. Officiellement justifiée par les perturbations liées aux travaux censés agrandir la grande mosquée abritant la Kaaba et améliorer les infrastructures d’accueil à La Mecque, cette mesure répond également à des raisons politiques et sociales moins avouables. L’apparition en 2012 d’un nouveau coronavirus (MERS-CoV) dans la région représente d’abord une menace sanitaire ; les affres politiques que traverse le monde arabe, notamment la guerre en Syrie, risquent ensuite de brouiller l’image de cohésion que les autorités saoudiennes cherchent à donner de la communauté des croyants réunie au Hedjaz lors du pèlerinage.

La Mecque, important carrefour caravanier qui abritait la Kaaba, objet d’un culte immémorial, est devenue ville sainte de l’islam par la volonté du prophète Muhammad. En 632, peu de temps avant sa mort, celui-ci entreprit le pèlerinage de l’Adieu, par lequel il s’attacha à islamiser l’antique rituel en l’inscrivant dans la tradition abrahamique, ce qui constitue jusqu’à nos jours le modèle que reproduisent tous les pèlerins. Cinquième pilier de l’islam, le pèlerinage est depuis lors une obligation pour tout musulman, au moins une fois dans sa vie, s’il en possède les moyens physiques et matériels (Coran III, 97). Suscitant dès l’origine d’importantes migrations religieuses, le pèlerinage à La Mecque est devenu une institution centrale de l’islam. En s’assurant le contrôle des cités saintes et celle du voyage sacré, les souverains musulmans successifs se sont donné un surcroît de légitimité. Jusqu’au XIXe siècle, l’organisation et la sécurité des grandes caravanes, dont les principales partaient du Caire et de Damas, l’entretien des villes saintes et leur approvisionnement pour faire face à l’afflux annuel des pèlerins, réclamaient des financements colossaux, une importante mobilisation militaire, et reposaient sur l’activité d’un grand nombre d’artisans et de commerçants.

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 Sylvia Chiffoleau, « Le pèlerinage à La Mecque : une industrie sous contrôle », La Vie des idées, 29 avril 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-pelerinage-a-La-Mecque-une.html

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