Cinéma et question des femmes au Moyen-Orient

, par Mohammad Bakri


Les clés du Moyen-Orient
Par Anaïs Mit
Article publié le 13/03/2014


Loin de l’imaginaire d’un Orient mythique des Milles et Une Nuits, le cinéma moyen-oriental, depuis quelques années maintenant, tend à s’ouvrir à des sujets de société, plus durs, mais bien plus réalistes. La femme tient une place importante dans ce renouveau cinématographique, qu’elle soit devant ou derrière la caméra. Comment analyser cette évolution ?

La question des femmes dans un cinéma d’hommes : naissance, évolution et diffusion

La question des femmes a très tôt attiré les cinéastes du Moyen-Orient. Suivant les revendications grandissantes des femmes dans les sociétés, les metteurs en scène, réalisateurs et producteurs se sont emparés du sujet, le mêlant d’abord à d’autres thèmes sociétaux. C’est le cas du film iranien Une séparation (titre original : Jodariye Nader az Simin), d’Asghar Farhadi sorti en 2011. Double histoire de séparation, séparation homme femme avec le divorce de deux des protagonistes, mais aussi séparation sociale, avec l’opposition entre classe aisée et classe populaire, ce film met en lumière tous les contrastes de la société iranienne. Par le passage subtil d’un affrontement privé à un véritable conflit social, Farhadi dépeint en effet la condition des femmes dans la société iranienne actuelle qui voit s’opposer des femmes accédant à l’indépendance à celles soumises aux décisions de leurs pères, maris ou fils. La femme comme sujet à la croisée des chemins avec d’autres problématiques sociétales : tel est le parti pris de ces cinéastes au masculin. Le film d’Eran Riklis, La fiancée syrienne (2004), en est l’illustration. L’histoire : une jeune fille d’origine druze, Mona, doit épouser un homme syrien, qu’elle n’a jamais vu. Or, Mona vit depuis sa naissance dans un village du plateau de Golan, région frontalière de la Syrie occupée par Israël depuis la guerre des Six Jours. Plusieurs thèmes s’entremêlent ici : les mariages arrangés, sur fond de traditions familiales, le déchirement à la terre d’origine puisque Mona ne pourra, une fois mariée, revenir dans son village natal, et enfin, le conflit israélo-syrien. Le cinéaste israélien, par cette œuvre, épingle toutes les formes d’intolérance, passant de la soumission des femmes aux haines engendrées par un contexte géopolitique sous tensions. La question des femmes, dans les œuvres des cinéastes moyen-orientaux, sert dès lors de base, de socle, à la mise en lumière de phénomènes bien plus généraux ; phénomènes qui finalement, en viennent peut-être à occulter le sujet féminin.

Les femmes productrices et réalisatrices

« Les femmes réalisent qu’elles souffraient d’une double menace : que les Occidentaux parlent pour elles, et que les hommes parlent pour elles. Alors elles se sont mises derrière les caméras ». Ces mots de la journaliste égypto-américaine Mona Eltahawy mettent en évidence le manque auquel a été confronté le cinéma moyen-oriental : celui des femmes comme réalisatrices et comme productrices de films. Pour palier à cela, les femmes elles-mêmes ont souhaité jouer un rôle dans la promotion de la femme dans le cinéma. Cet engagement n’est néanmoins pas nouveau puisque dès les années 1970 apparaissaient des cinéastes femmes, à l’image des Egyptiennes Nadia Hamza ou encore Inès Al-Dighidy. C’est l’enjeu qui change : il s’agit aujourd’hui de parler de la condition des femmes, mais d’une façon qui diffère de ce qui a déjà été fait par les cinéastes hommes ou par l’Occident. D’une manière moins brutale, plus personnelle, de nombreuses cinéastes passent derrière les caméras, et cela a deux conséquences majeures dans l’appréhension de la condition féminine. D’une part, dans le choix des thèmes, puisque ces cinéastes restent centrées sur la femme et sur son statut dans la société. D’autre part, et c’est là toute la différence, dans la vision plus intime de la femme, dans la mesure où la profusion de détails, plus réalistes les uns que les autres, permet d’observer et de comprendre la vie des femmes de l’intérieur, de leurs conflits internes, de leurs vies quotidiennes et de leurs luttes. En témoigne l’œuvre récente d’Haïfaa Al-Mansour, Wadjda (2013). L’histoire est simple, celle d’une petite fille de la banlieue de Riyad qui veut avoir un vélo. Mais au royaume wahhabite, les bicyclettes sont réservées aux hommes, car elles sont censées constituer une menace pour la vertu des jeunes filles. Critiquant le fondamentalisme et la polygamie dont est victime son pays, Haïfaa Al-Mansour signe un réquisitoire politique qui encourage la femme saoudienne, voire moyen-orientale, à être son propre chef. Peu de films nous parviennent d’Arabie saoudite, et encore moins des films réalisés par des femmes, c’est pourquoi son succès a dépassé les frontières du seul Moyen-Orient. Cependant encore marginalisés, ces films au féminin peinent à trouver un public régional. Les révolutions au Moyen-Orient, l’ouverture à la démocratie, et la participation des femmes à ces combats politiques sont-elles parvenues à changer la donne à ce sujet ?

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