Un cinéma affranchi du contrôle de l’État Le documentaire syrien d’après 2011 ou la construction d’un récit national fragmenté

, par Mohammad Bakri

Nicolas Appelt

p. Vol 143, Seconde partie

Résumé

Le conflit syrien se traduit également par un déferlement d’images : propagande de la part du régime ou de l’Organisation de l’État islamique (OEI) ainsi que témoignages d’activistes ou de citoyens reporters. En parallèle à ces vidéos diffusées par les chaînes de télévision ou postées sur les réseaux sociaux, une création cinématographique syrienne, essentiellement constituée de documentaires, se poursuit malgré les difficultés hors des circuits de production officiels du régime et, dans des formats variés et divers, apporte un éclairage singulier qui contraste avec les images habituellement véhiculées sur la Syrie. Davantage qu’un simple témoignage, les réalisateurs et réalisatrices syriens, quel que soit leur parcours, livrent également leur tentative de compréhension de l’évolution de la situation, une réflexion sur le cinéma et, en raison de la diversité des approches, façonnent, dans un certain sens, un récit national fragmenté.

Texte intégral

Présenté en séance spéciale au festival de Cannes en 2014, le documentaire Eau argentée, Syrie autoportrait (2014) d’Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan a également bénéficié d’une distribution en salle – sortie en France le 17 décembre 2014 et sortie en Suisse le 25 mars 2015 – ainsi que d’une diffusion sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte le 15 septembre 2014. Il s’agit d’un exemple, médiatisé, d’un ensemble d’autres films, des documentaires, qui ont été tournés en Syrie hors de tout contrôle des autorités syriennes après mars 2011. Après être revenu sur les conditions d’émergence d’une création cinématographique indépendante des institutions du régime ainsi que sur la présentation d’une série d’éléments qui permettent au cinéma syrien de continuer d’exister, en dépit de conditions extrêmes, nous tenterons de mettre en lumière l’apport, ainsi que la voix singulière portée par ce cinéma en essayant d’en faire ressortir les particularités. Nous mettrons en perspective les éléments communs aux films du corpus considéré ici avec d’autres travaux, notamment ceux du collectif Abounaddara, afin d’avoir une représentation plus complète du cinéma syrien depuis le début de la révolte.

Si ses racines remontent à 2006, c’est véritablement à l’été 2014 que l’Organisation de l’État islamique (OEI) a fait une irruption sur la scène médiatique. Il en a résulté un déferlement d’images émanant de l’OEI sur les réseaux sociaux qui a entraîné de nombreuses recherches sur l’utilisation que l’OEI fait de ses images, notamment en termes de propagande, ainsi que sur la façon dont ces images sont conçues et fabriquées (Luizard, 2015 : 162-164 ; Zabunyan, 2015 ; Augé, 2016 ; Comolli, 2016) En outre, certains chercheurs en France ont été sollicités par les médias pour apporter des clés d’explication de la propagande de l’OEI, ou ont pris position sur ce sujet. Par ailleurs, face à la cruauté que renferment les images émanant de l’OEI, s’est posée la question d’une certaine fascination, voire une certaine complaisance des chaînes de télévision qui les diffusent.

Lire la suite sur le site de la Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée (REMMM)


Référence électronique
Nicolas Appelt, « Un cinéma affranchi du contrôle de l’État », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], Etudes libres inédites, mis en ligne le 05 mai 2017, consulté le 08 mai 2017. URL : http://remmm.revues.org/9752

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