Vingt ans déjà
Avec ce numéro 80, Qantara aura persévéré pendant deux décennies dans la voie difficile qu’il avait empruntée dès le début. Celle d’un magazine culturel non-institutionnel.
Ce ne fut pas sans mal, car si les organismes publics ou privés soutiennent volontiers un média qui reflète leur activité et en fait la promotion, ils sont plus réticents à venir en aide à une revue
dont le programme est librement tracé et dont le cœur est formé d’un dossier central qui impose sa logique et sa cohérence. C’est d’ailleurs ce dossier qui confère à Qantara un caractère de pérennité. Non sans risques : il arrive qu’un thème, trop éloigné des préoccupations actuelles, soit boudé à la parution du numéro, quitte à le voir demandé quelques années plus tard.
Pour autant, notre magazine, votre magazine n’est pas resté à l’écart de la culture vivante. Il a changé au fil des ans. Imperceptiblement, irrésistiblement. Sans que nous nous en apercevions, Qantara aura, par la force des choses, épousé l’air du temps. Et un fidèle collectionneur du magazine qui relirait les numéros anciens verrait, sans doute bien mieux que nous, les changements intervenus, la manière dont nous avons épousé les préoccupations de notre public, et à l’inverse, bien sûr, notre aveuglement, ou notre incapacité à traiter de questions pourtant cruciales. Ce que nous admettrions sans détour s’agissant, par exemple, de sujets comme celui des femmes arabes/musulmanes.
Notre navigation au long cours ne se fait pourtant pas sans balises : il a fallu prendre garde à de nombreux écueils, dont deux en particulier. Le premier est la tentation militante qui fait de toute activité culturelle une contribution à la lutte contre les discriminations. Cette mission, par ailleurs tout à fait honorable, appartient plutôt au monde des associations. Le second écueil est l’exotisme qui pousse à édulcorer la situation pour n’en garder que les belles images, à l’exemple de cet orientalisme dont nous reparlons dans les pages qui suivent.
Editorial du numéro 80 de qantara, publié sur le site de l’Institut du Monde arabe.
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