Gamal Abdel Nasser (1918-1970)

, par Mohammad Bakri


 Première partie


Gamal Abdel Nasser (1918-1970) : l’homme, le dirigeant, la légende (1/3)



Les clés du Moyen-Orient
Par Yara El Khoury
Article publié le 25/01/2019


Ovationné par les spectateurs du festival de Beiteddine au Liban au cours d’un concert-hommage à Oum Kalthoum, au moment où son image apparaît sur écran géant ; « bête noire » de l’Occident lorsqu’il décide de nationaliser le canal de Suez ; leader d’un charisme inégalé, vraie icône populaire pour les Arabes ; cité dans un ouvrage grand public qui présente les dictateurs du XX° siècle : c’est dire la difficulté de caractériser un personnage comme Nasser. Dans son incontournable Proche-Orient éclaté, Georges Corm fait une analyse très fine des liens si particuliers qui liaient Nasser aux Arabes ; beaucoup d’éléments qui figurent dans ce texte s’en inspirent.

Gamal Abdel Nasser est né le 15 janvier 1918 à Alexandrie d’un père originaire de Haute-Egypte, fonctionnaire à la poste. Cet emploi, dans lequel Georges Corm a vu une empreinte de modernité, va conduire la famille à déménager souvent à travers l’Egypte, ce qui a pour effet de donner au jeune Gamal, l’aîné d’une fratrie de trois garçons, une bonne connaissance du pays qu’il sera appelé à diriger. Durement marqué par le décès de sa mère alors qu’il n’avait que dix ans, il fait ses études à Alexandrie puis au Caire et commence à s’intéresser à la politique dans un contexte qui voit les Egyptiens se passionner autour des questions liées à la présence britannique dans le pays.

L’Egypte au XIX° siècle, entre modernisation, tutelle étrangère et nationalisme naissant

Contrairement à ses voisins du Levant (Liban, Syrie, Palestine, Irak), l’Egypte est une contrée qui a parfaitement conscience de sa singularité, et ce depuis les temps immémoriaux des Pharaons. Elle est inscrite dans des frontières géographiques bien claires tracées par le cours du Nil, fleuve nourricier qui déverse à chaque printemps son limon bienfaisant sur une vallée verdoyante qui coupe en deux un désert dont les détendues sablonneuses et rocailleuses lui servent de frontières. Né dans les profondeurs mystérieuses de l’Afrique, le Nil se déverse dans la Méditerranée après s’être divisé en plusieurs branches formant le Delta. Les Egyptiens qui vivent sur ses rivages se savent dotés d’une identité bien distincte, et, sur le plan religieux, hormis la communauté copte, d’un monolithisme sunnite bien affirmé que même le long intermède des Fatimides chiites (969-1171) n’a pu ébranler.

La campagne d’Egypte entreprise par le général Bonaparte à la fin du XVIII° siècle sort le pays d’une torpeur qui le tenait depuis qu’il avait perdu la prééminence qui était la sienne au temps des Mamlouks. En 1517, le sultan ottoman Sélim Ier met un terme à cette dynastie d’esclaves turkmènes puis circassiens qui régnait sur l’Orient à partir du Caire depuis la fin des Croisades. Il ravit également le titre de calife au dernier descendant des Abbassides qui, quant les Mongols avaient mis à sac Bagdad en 1258, s’était réfugié au Caire hissé alors à la double dignité du sultanat et du califat. Depuis qu’elle a été supplantée par Constantinople, la capitale égyptienne était ravalée au rang d’une ville de province. En 1798, l’armée révolutionnaire française apporte dans son sillage des idées de liberté qui vont insensiblement se glisser au cœur de la population. Un officier albanais de l’Empire ottoman, du nom de Mohammed Ali, contribue à l’effort impérial pour chasser les Français du sol égyptien. En 1805, il se hisse au poste de gouverneur en prenant ses distances avec l’Empire ottoman. Sa politique de modernisation réintègre définitivement l’Egypte dans le cours de l’histoire. En 1869, l’inauguration du canal de Suez construit par le Français Ferdinand de Lesseps, fait du pays un passage obligé sur la route du commerce international.

Mais les dépenses conduites par les khédives, successeurs de Mohammed Ali, pour poursuivre l’œuvre de modernisation mais aussi pour mener grand train, finissent par endetter le pays qui se retrouve en 1882 sous la tutelle anglaise, Londres s’étant rendu maître du canal de Suez, artère vitale pour ses intérêts car elle trace le chemin le plus court vers les Indes, joyau de la couronne de la reine Victoria. Les militaires britanniques débarquent à Alexandrie et prennent Le Caire où ils empêchent la nomination du colonel Ahmed Orabi, première figure du nationalisme égyptien, au ministère de la Guerre. L’armée égyptienne, terreau de ce nationalisme naissant, est placée sous un commandement britannique.

Un embryon de vie politique voit le jour cependant. L’Egypte est dotée en 1883 d’une assemblée consultative élue au suffrage universel indirect. En 1907, le pays connaît le multipartisme. Le parti Umma (nation) de Saad Zaghloul réclame l’indépendance de l’Egypte par rapport à l’Empire ottoman et à la Grande-Bretagne ; le parti Watan (patrie) de Mustapha Kamel se présente comme une formation traditionnaliste et panislamiste attachée aux liens de l’Egypte avec Istanbul ; apparaissent aussi des libéraux-constitutionnels très proches du libéralisme européen. Le pays jouit également d’une presse relativement libre qui profite aux autres contrées du monde arabe qui continuent de vivre sous le joug direct des Ottomans. En cette époque de Nahda, renaissance arabe littéraire et nationale, la presse égyptienne permet aux différents courants de pensée de s’exprimer.

L’Egypte pendant les jeunes années de Nasser

Trois mois après le début de la Grande Guerre, l’Angleterre et l’Empire ottoman s’étant retrouvés dans des camps antagonistes du fait de l’entrée du second en guerre aux côtés de l’Allemagne, les Anglais proclament la loi martiale en Egypte et rompent les derniers liens qui existaient entre Le Caire et Constantinople. Signe de cette rupture, les khédives porteront désormais le titre de sultans. L’Egypte devient un protectorat britannique et le consul général anglais prend le titre de haut-commissaire. Le Bureau arabe du Caire encourage la révolte arabe qui part du Hedjaz et dépêche le colonel Lawrence auprès des fils du Chérif Hussein.

La fin de la guerre en Europe nourrit des rêves d’indépendance. Telle est la réclamation principale qu’une délégation (wafd) égyptienne conduite par le juge Saad Zaghloul du parti Umma soumet au haut-commissaire Wingate, le 13 novembre 1918, deux jours après l’armistice de Rethondes. Se déclarant incompétent pour trancher la question, Wingate lui conseille de s’adresser directement à Londres mais la capitale britannique refuse de la recevoir. Dépitée, la délégation se mue en parti politique auquel elle donnera le nom de Wafd. Son activisme vaudra à son chef Saad Zaghloul d’être déporté à plusieurs reprises par les Anglais mais la fièvre indépendantiste devient une réalité avec laquelle les Anglais et le sultan Fouad, monté sur le trône en 1917, doivent composer. L’ampleur du Wafd est telle qu’il est autorisé en 1919 à exprimer ses doléances à la Conférence de la paix qui s’ouvre à Paris. Saad Zaghloul est déçu par l’acceptation par le président américain Wilson d’un protectorat anglais sur son pays.

Mais l’opposition grandissante à laquelle ils doivent faire face contraint les Anglais à la négociation. Le 28 février 1922, le gouvernement britannique proclame unilatéralement la fin du protectorat sur l’Egypte, en se réservant toutefois quatre domaines de compétence : sécurité des communications impériales, défense du pays contre toute agression étrangère, protection des intérêts des étrangers et des minorités, et administration du Soudan. Ces quatre questions vont rester en suspens tant qu’un accord n’intervient pas à leur sujet entre Le Caire et Londres.

Formulé en 1922, le traité ne sera signé qu’en 1936, mais l’indépendance de l’Egypte semble être une donnée réelle. Le descendant de Mohammed Ali change de titre encore une fois ; le sultan Fouad devient roi d’Egypte. Une vie politique se met en place : Constitution, Parlement bicaméral, gouvernement nommé par le roi et responsable devant la Chambre. Aux élections législatives du mois de janvier 1924, le parti Wafd remporte 176 sièges sur 214. Rentré d’exil, Saad Zaghloul devient Premier ministre. En 1927, une formation nouvelle voit le jour dans le paysage politique égyptien : les Frères musulmans sont fondés par Hassan al-Banna sur le modèle rigoriste des Ikhwân, la force redoutable dont Abdel Aziz Ben Saoud s’est servi pour unifier les régions de la Péninsule arabe appelées à devenir l’Arabie saoudite.

En avril 1936, à la mort du roi Fouad, son fils Farouk, jeune prince qui a la faveur du peuple, lui succède. En août de la même année, le Premier ministre Moustapha Nahas, successeur de Saad Zaghloul décédé à la tête du Wafd, signe à Londres le traité anglo-égyptien. Cet accord d’une durée de vingt ans entérine l’indépendance de l’Egypte mais donne à la Grande-Bretagne le droit de maintenir des troupes dans la zone du canal de Suez et dans le Sinaï, d’utiliser l’espace aérien égyptien et le port d’Alexandrie et de réoccuper le pays en cas de guerre. En 1937, l’Egypte entre à la Société des Nations. L’année suivante s’ouvre sur les vingt ans de Nasser. Il s’apprête à intégrer l’armée.

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 Deuxième partie


Gamal Abdel Nasser (1918-1970) : l’homme, le dirigeant, la légende (2/3)



Les clés du Moyen-Orient
Par Yara El Khoury
Article publié le 31/01/2019


De la Seconde Guerre mondiale à la première guerre israélo-arabe : aux origines des Officiers libres

Le jour où la guerre commence en Europe, le 3 septembre 1939, les Britanniques reprennent le contrôle militaire de la vallée du Nil, en application du traité anglo-égyptien de 1936. Ils obligent aussi l’Egypte à rompre ses relations diplomatiques avec l’Allemagne, puis l’Italie. Mais les gouvernements successifs refusent de déclarer la guerre à l’Axe. La guerre du désert qui a pour théâtre tout le nord du continent africain verra s’affronter les Allemands et les Italiens contre les Français et les Britanniques. Elle prend fin en novembre 1942 avec la victoire des troupes anglaises du général Montgomery sur l’Afrikakorps de Rommel à El-Alamein.

Au cours de cette période, les Britanniques doivent gérer une situation intérieure très instable en Egypte. En raison de la présence de troupes étrangères très nombreuses et de la rareté du fret maritime, les prix montent en flèche. Au palais royal comme au sein de l’armée, des contacts sont entrepris du côté des Allemands. En juillet 1942, des officiers de l’armée égyptienne tentent de prendre contact avec Rommel. Ils veulent lui proposer une aide afin d’obtenir en retour de pouvoir négocier le statut du pays dont ils réclament la libération des Anglais. Anouar el-Sadate figure au nombre de ces officiers ; il est arrêté et emprisonné. La défaite sans appel de l’Allemagne entérine l’échec de ces manœuvres égyptiennes. En 1945, alors que la victoire des Alliés paraît acquise, l’Egypte déclare la guerre à l’Allemagne et au Japon, ce qui lui permet d’obtenir un ticket pour San Francisco où se tient la conférence fondatrice des Nations unies.

Un nouveau conflit armé se déclenche trois ans plus tard, en mai 1948, suite à la proclamation de l’Etat d’Israël. D’abord indécise, l’Egypte du roi Farouk participe à la première guerre israélo-arabe dans le but principal de barrer la route aux ambitions jordaniennes, l’émir Abdallah de Transjordanie aspirant au contrôle de la Cisjordanie, rive ouest du Jourdain. Pour Nasser, c’est la première expérience sur le terrain. Commencée le 15 mai 1948, la guerre prend fin le 6 janvier 1949, mais les combats effectifs ne durent que soixante jours car ils sont entrecoupés de nombreuses trêves imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies. En juillet 1948, l’Egypte favorise la mise en place d’un gouvernement palestinien à Gaza dirigé par Hajj Amine el-Husseini, le mufti de Jérusalem. Au cours de la dernière phase de la guerre, la troupe dont fait partie Nasser se retrouve encerclée à Falouja, au cœur de la bande de Gaza. Elle n’en sortira qu’après la signature de la convention d’armistice entre l’Egypte et Israël, le 24 février 1949. Des conventions similaires sont signées par les autres Etats arabes qui ont été parties au conflit : le Liban, la Syrie et la Jordanie. Elles traduisent une reconnaissance à peine déguisée de l’Etat d’Israël en dépit de l’obstination de ces Etats à affirmer le contraire. La bande de Gaza se retrouve sous administration égyptienne. La frontière internationale séparant le Néguev et le Sinaï tient lieu de ligne de démarcation.

Pour Nasser, les longues semaines passées dans la poche de Falouja ont été un temps de maturation politique. Pris dans l’étau de la jeune armée israélienne, il a tout le loisir de méditer sur l’inefficience du gouvernement du roi Farouk qui a laissé son armée se battre avec des moyens très limités. Sa hargne est aussi dirigée contre les Britanniques omniprésents en Egypte. Pour lui, ils représentent, avec Farouk, les deux facettes de l’oppression qui a entraîné l’Egypte dans la défaite humiliante contre le nouvel Etat d’Israël. Cette opinion est partagée par un certain nombre d’officiers de l’armée égyptienne. Au matin du coup d’Etat du 23 juillet 1952, les Egyptiens les découvrent sous le nom d’Officiers libres.

La mise en place de la République des Officiers libres

Ces Officiers libres sont jeunes et inconnus, issus de la classe moyenne émergente. Pour se faire accepter plus aisément, ils désignent à leur tête le général Mohammed Néguib qui bénéficie d’une popularité certaine auprès des Egyptiens. Mais la réalité du pouvoir est exercée par un Conseil de la révolution de onze membres dirigé par Gamal Abdel Nasser. Les Egyptiens voient en eux des hommes ordinaires, des fils du peuple qui, après des siècles de domination étrangère, reprennent les rênes du pays. L’accueil qui leur est fait est plutôt favorable. Leur jeunesse et leur détermination soulèvent un formidable espoir chez un peuple conscient de sa grandeur passée mais qui ploie sous une occupation étrangère perçue comme humiliante. Le 26 juillet 1952, l’abdication du roi Farouk au profit de son fils Fouad âgé six mois signe la fin de la dynastie albanaise mise en place par Mohammed Ali. Le monarque déchu part en exil.

A part la Grande-Bretagne, les puissances étrangères ne réprouvent pas le coup d’Etat qui s’est passé sans effusion de sang. Les Etats-Unis suivent les événements d’Egypte avec grand intérêt et leur ambassadeur au Caire, Jefferson Caffery, voit d’un œil plutôt bienveillant ceux qu’il appelle les « boys ». Sur le plan intérieur, le programme politique des putschistes est construit autour d’idées générales acceptées par tous les courants politiques qui existent en Egypte : réforme de l’armée, lutte contre la corruption et indépendance nationale. Cette dernière idée est conforme à l’air du temps, en cette époque qui voit se développer la grande vague des décolonisations consécutives à la Seconde Guerre mondiale. En outre, les Officiers libres, dépourvus d’expérience politique, tentent de se doter d’une forme de gouvernance en copiant ce qu’ils croient être le mieux à l’époque, et cela se trouve être le modèle soviétique. Pour les équipes dirigeantes indépendantistes propulsées à la tête des pays nouvellement décolonisés, l’URSS, contrairement aux pays occidentaux, bénéficie d’un préjugé favorable car elle ne se présente pas sous les traits du colonisateur. Son modèle égalitaire est perçu comme le plus à même d’assurer la justice sociale à laquelle ils aspirent. Voilà pourquoi ils décrètent une réforme agraire censée combler le grand fossé qui séparait les grands propriétaires des fellahs ; suivront des décrets de nationalisations dans tous les secteurs. Le résultat ne sera pas une amélioration des conditions de vie des Egyptiens, mais un appauvrissement sous la forme d’un nivellement généralisé par le bas, et surtout la fuite des capitaux et des forces vives de l’Egypte. L’exode avait touché en premier les Juifs d’Egypte qui durent partir sous le coup de la vindicte populaire générée par la création de l’Etat d’Israël ; suivirent les Grecs, les Arméniens, les Syro-Libanais et tous ceux qui avaient donné à l’Egypte une forme de prospérité et qui représentaient la diversité et le dynamisme de la société égyptienne. Ce phénomène, décrit par Robert Solé dans le roman Hôtel Mahrajane, va paver la voie à la radicalisation de la société égyptienne, car peu à peu, la population qui a connu le cosmopolitisme de l’Egypte de naguère s’efface pour laisser place à des générations élevées dans une homogénéité génératrice de suspicion à l’égard de tout ce qui leur paraît étranger. Les Coptes, restés au pays car ils se considèrent comme intrinsèquement égyptiens, vont devenir le souffre-douleur contre lequel s’exercera la colère d’une population déçue par la révolution des Officiers libres mais qui, ne sachant déterminer la cause de son malaise, le déversera contre la dernière composante sociale représentant une forme d’altérité.

Dans le même ordre d’idées, la dissolution de tous les partis politiques reflète le désir des nouveaux dirigeants de l’Egypte de se conformer au modèle soviétique. Le multipartisme est remplacé par un « Rassemblement de la libération », organisation peu structurée de propagande, très peu comparable à un parti unique, mais qui n’en traduit pas moins l’esprit. Comme les partis politiques étaient tombés en disgrâce du fait de leur collaboration avec l’Ancien régime, leur dissolution forcée ne suscite pas de réaction hostile de la part du peuple d’Egypte.

La République égyptienne est proclamée le 18 juin 1953. Mohammed Néguib, le doyen des Officiers libres, en est le premier président. Abdel Hakim Amer, un proche de Nasser, devient le commandement en chef de l’armée. Le mandat de Mohammed Néguib dure moins de dix-huit mois. Il est peu à peu écarté du pouvoir par Nasser qui prend la direction effective du gouvernement en février 1954. C’est à ce titre qu’il signe le 27 juillet 1954 l’accord de Suez qui donne aux troupes britanniques une période de vingt mois pour quitter la zone du canal de Suez, et autorise la Grande-Bretagne à maintenir pendant cinq ans son dispositif militaire sous le contrôle de civils. Tout au long de cette période, elle garde la possibilité de faire retourner ses troupes dans la base militaire de Suez si jamais l’un des pays arabes ou la Turquie se retrouvait en proie à une attaque. Le traité sera ratifié le 19 octobre 1954, quelques jours avant l’acte final de la mise à l’écart de Néguib. En effet, le 26 octobre 1954, un attentat manqué présumé contre Nasser entraîne une forte répression contre les Frères musulmans. Mohammed Néguib, dont des liens avec la confrérie sont mis en évidence au cours du procès, est écarté du pouvoir et assigné à résidence.

Dès lors, Nasser se retrouve maître de l’Egypte. En 1955, il fait sa première grande sortie sur la scène internationale à l’occasion de la conférence de Bandoeng qui voit se réunir les principaux dirigeants du Tiers-Monde à la recherche d’un rôle qui puisse contrebalancer la lutte que se livrent les deux Grands. Sur la photographie en noir en blanc on le voit arborer un large sourire, lui le fils de postier désormais admis à la cours des grands, posant entre Nehru, Soekarno, Nkrumah et Tito. Auprès d’eux, il trouve la justification idéologique à son refus d’intégrer le Pacte de Bagdad qui a vu le jour le 24 février 1955 et auquel ont adhéré la Turquie, l’Irak, la Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran. L’Egypte n’est pas défavorable au principe des alliances militaires mais elle refuse de se laisser entraîner dans une alliance qui regroupe deux de ses rivaux, la Grande-Bretagne et l’Irak hachémite. Début mars 1955, en réponse au Pacte de Bagdad, le Caire et Damas bientôt rejoints par Riyad s’unissent dans un nouveau pacte de sécurité interarabe, le Pacte Tripartite.

Un cap important est franchi le 26 septembre 1955 quand Nasser, lassé d’attendre une hypothétique aide militaire américaine, annonce avoir répondu favorablement à la proposition soviétique de lui vendre des armes. Les blindés, l’artillerie et les avions proviennent de Tchécoslovaquie. Pour la rue arabe, Nasser est désormais un héros ; pour les capitales occidentales dont les ministres des Affaires étrangères se réunissent à Genève, sa décision est lourde de conséquences, car elle ouvre la voie à la pénétration soviétique au Moyen-Orient. Signe de l’importance qu’il vient d’acquérir, Nasser fait pour la première fois la couverture du Time.

Lire également sur Les clés du Moyen-Orient :

 Nasser et son temps
 Le rire de Nasser – Tewfic Aclimandos, politologue et historien égyptien, chercheur associé au Collège de France. Conférence à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm le mercredi 17 avril 2013, dans le cadre de la Semaine Arabe : « Rire à l’heure arabe »- Caroline Kurhan, Le roi Farouk, Un destin foudroyé
 Farouk, un roi égyptien
 Farouk, avant dernier roi d’Egypte
 Caroline Kurhan, Princes et Princesses du Nil


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 Troisième partie


Gamal Abdel Nasser (1918-1970) : l’homme, le dirigeant, la légende (3/3)



Les clés du Moyen-Orient
Par Yara El Khoury
Article publié le 08/02/2019


La crise de Suez - Eclosion de la légende de Nasser

Le 18 juin 1956, comme prévu par l’accord de Suez, les soldats britanniques complètent l’évacuation de la zone du canal de Suez. Leur départ sera suivi le 26 juillet par le déclenchement d’une crise internationale à la suite de l’annonce par Nasser de la nationalisation du canal de Suez, exploité par une compagnie aux intérêts britannique et français. A l’origine de cette annonce faite dans un éclat de rire lors d’un discours à Alexandrie, se trouve le projet de construction d’un barrage à Assouan. Outre la nature symbolique du retour du canal à la souveraineté égyptienne, la nationalisation devait permettre à l’Egypte de profiter des ressources financières ainsi générées pour remplacer le prêt qui lui avait été refusé par la Banque mondiale et les Etats-Unis pour la construction du barrage. La nationalisation prend effet au moment même où Nasser l’annonce. Dans les faits, elle écourte de douze ans la concession franco-anglaise et il est prévu d’indemniser les actionnaires anglais et français. De plus, le canal est fermé depuis 1948 et la nationalisation ne modifie en rien cette situation. Le Haut-Barrage d’Assouan sera construit grâce à une aide soviétique et mis en eau en mai 1964 lors d’une cérémonie à laquelle assistera Nikita Khrouchtchev. L’inauguration de l’ouvrage terminé se fera quelques mois après le décès de Nasser, le 15 janvier 1971.

Désireux de laver l’affront qui leur a été infligé, Paris et Londres mettent au point leur intervention militaire. L’opération Mousquetaire est décidée par les deux pays le 24 octobre 1956 lors d’une conférence secrète à Sèvres, à laquelle se joint David Ben Gourion. Le 29 octobre 1956, Israël lance une offensive terrestre contre l’Egypte. Sous prétexte de séparer les belligérants, les chefs de gouvernement français et anglais, Guy Mollet et Anthony Eden, annoncent l’entrée en guerre de leurs pays afin de préserver la zone du canal de Suez des opérations militaires. Le conflit armé prend fin quelques jours plus tard sous l’effet de vives pressions exercées par les Etats-Unis et l’URSS qui manifestent une connivence de vues assez inédite en période de guerre froide. Les Deux Grands tiennent là l’occasion rêvée de mettre un terme à l’influence franco-anglaise sur le Proche-Orient. La France et la Grande-Bretagne doivent retirer leurs troupes et le gouvernement égyptien accepte l’installation sur son territoire d’une force onusienne censée surveiller la ligne de cessez-le-feu. Les Casques bleus prennent position à Charm el-Cheikh, Gaza et le long de la frontière avec Israël.

Le bilan de la crise de Suez est multiforme. Nasser en sort renforcé. Sa défaite militaire s’est muée en triomphe diplomatique. Il devient l’icône absolue du monde arabe. Le Caire, déserté par les ressortissants français et britanniques, est la capitale vers laquelle les yeux des Arabes sont désormais rivés. Le charisme de Nasser trouve son pendant féminin en la personne d’Oum Kalthoum. Entre le Raïs et l’Astre de l’Orient, une association étroite se tisse, l’un entraînant l’autre dans un délire que partagent les foules. Les discours de Nasser, prononcés dans une langue accessible et sur un mode pédagogique, s’accordent parfaitement au Tarab qui se dégage des concerts devenus rituels d’Oum Kalthoum. A eux deux ils déploient un charme qui occulte le fait que le peuple d’Egypte s’appauvrit inexorablement. Dans les quartiers miséreux, la population est de plus en plus sensible à la rhétorique des Frères musulmans dont les leaders emprisonnés acquièrent une dimension quasi messianique.

L’expérience avortée de la République arabe unie

Mais l’heure est encore à l’euphorie. Le 1er février 1958 est proclamée la République arabe unie née de la fusion entre l’Egypte de Nasser et la Syrie de Choukri Kouatly. Contractée à l’initiative du parti Baath syrien qui subissait une concurrence assez rude de la part des communistes, cette union se produit dans un contexte de tension croissante au Moyen-Orient. En effet, réélu en novembre 1956 pour un second mandat à la Maison Blanche, le président Eisenhower expose le 21 janvier 1957 devant le Congrès sa doctrine qui propose une aide économique et militaire aux pays du Moyen-Orient désireux de se soustraire à l’hégémonie soviétique. Les Etats-Unis promettent une intervention militaire aux pays qui se sentiraient menacés directement par Moscou. L’adhésion du Liban, de la Turquie, de l’Iran, de l’Irak et de l’Arabie saoudite à la doctrine Eisenhower isole et fragilise la Syrie qui est soumise par ailleurs à la menace constante de ses voisins turc et irakien. Voilà pourquoi elle se précipite dans l’union avec l’Egypte, une union qui a l’avantage symbolique de représenter la première tentative concrète de restaurer l’unité arabe, mythe assez largement dépourvu d’assises historiques solides mais néanmoins très vivace dans l’imaginaire des Arabes.

La proclamation de la RAU donne lieu à des scènes de liesse au Caire, à Damas, et dans toutes les capitales arabes, notamment à Beyrouth où une partie de la population revendique une adhésion immédiate. Fracturé sous l’effort des forces centrifuges qui tirent dans deux sens opposés, le monde arabe et l’Occident, le Liban ne tarde pas à sombrer dans une guerre civile qui s’arrêtera à la faveur de la chute du trône irakien de Fayçal II dans un bain de sang le 14 juillet 1958. Une double intervention, américaine au Liban et britannique en Jordanie, contribuera à préserver ces deux derniers bastions de l’Occident au Proche-Orient.

En 1961, la RAU prend fin, emportée par un coup d’Etat qui se produit en Syrie et y rétablit pour un temps la République parlementaire. La Syrie a mal vécu l’expérience ; elle a trouvé intolérable que l’Egypte, plus pauvre, lui impose sa loi. L’échec de cette entité unioniste n’entraînera pas pour autant la disparition du rêve d’unité arabe. D’autres expériences seront esquissées jusqu’à la première moitié des années 1970. Elles prendront fin avec l’éclatement de la guerre du Liban qui a pour effet d’entraîner le monde arabe dans des considérations plus prosaïques.

Le désastre de la guerre des Six jours

1963 constitue un tournant dans le monde arabe. A un mois d’intervalle, deux coups d’Etat se produisent, à Bagdad en février et à Damas en mars. Dans les deux pays, des militaires arrivent au pouvoir. En Irak, ils seront nassériens jusqu’en 1968, année où le Baath prend les rênes du pays. En Syrie, des militaires baathistes prennent le pouvoir et ils ont des caractéristiques tout à fait inédites : issus de communautés dites minoritaires (alaouites, druzes, ismaéliens), ils sont en froid avec la direction historique et civile du parti (Michel Aflak, Salah Bitar) qu’ils accusent d’avoir entraîné le Baath et la Syrie dans l’expérience malheureuse de la RAU. Ils ont eux-mêmes très mal vécu le séjour de formation qu’ils ont dû effectuer en Egypte où ils ont été en butte contre les préjugés défavorables que les Egyptiens nourrissent à l’encontre des minoritaires.

La nouvelle génération arrivée au pouvoir en Syrie consacre l’évolution que le Baath a connue dans le sens de la militarisation et de la radicalisation politique. Entre les membres de l’équipe, les règlements de comptes se succèdent, qui vont resserrer davantage leur caractère minoritaire autour d’un noyau alaouite composé par Salah Jédid et Hafez el-Assad. Le tandem détient le pouvoir après le coup d’Etat de février 1966 qui pousse une équipe encore plus radicale sur le devant de la scène.

Les changements qui surviennent en Syrie et en Irak relèguent Nasser au rang de « réactionnaire » en regard de l’attitude affichée par les nouveaux dirigeants plus jeunes et plus téméraires en politique. Subissant la propagande outrancière sur les thèmes du nationalisme arabe et de la cause palestinienne - éléments légitimateurs des pouvoirs à l’époque - sur les ondes de la radio, il se doit de hausser le ton lui-même afin de montrer qu’il n’est pas en reste, qu’il préside encore aux destinées du monde arabe.

Au printemps 1967, une escalade verbale et militaire oppose Israël et la Syrie au sujet des opérations de commandos palestiniennes qui partent du territoire syrien et prennent pour cible des localités situées en Israël. Les dirigeants israéliens rendent le régime baathiste responsable de la dégradation de la situation. Le 13 mai 1967, Damas est prévenu par Le Caire de la présence de troupes israéliennes à la frontière. Selon les Egyptiens, une attaque serait même prévue pour le 17 mai. Le 16 mai, ils envoient par conséquent la troupe dans le Sinaï et demandent le retrait des Casques Bleus qui y sont stationnés, retrait qui se produit le 18. Le 22 mai 1967, Nasser ordonne la fermeture du détroit de Tiran qui dessert le port israélien d’Eilat. Cette mesure est accueillie avec enthousiasme par les pays arabes ; elle rappelle l’heure de gloire de Nasser lors de la nationalisation du canal de Suez. Dans les faits elle fera office de casus belli.

La guerre commence le 5 juin 1967. En l’espace de quelques heures, l’aviation israélienne détruit au sol les avions militaires d’Egypte, de Jordanie et de Syrie. Il suffira de quelques jours pour que l’armée israélienne occupe le Sinaï, la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le plateau du Golan. Les Egyptiens se croient vainqueurs, comme le claironnent leurs médias. La déception n’en sera que plus vive le 9 juin quand ils apprendront l’ampleur de la déroute. Le soir, Nasser annonce son retrait de la vie politique ; il aura été le seul homme politique arabe capable de tirer les conséquences de son échec. Endossant seul la responsabilité de la défaite, il présente sa démission mais il est aussitôt rappelé au pouvoir par la réaction spontanée de la foule qui envahit les rues du Caire.

Parler de réaction « spontanée » pourra bien paraître choquant pour nombre d’esprits cartésiens qui préfèrent mettre en avant une machination montée de toutes pièces par les services secrets égyptiens. Cette hypothèse n’est pas dénuée de fondement ; elle ne doit cependant pas faire oublier le caractère affectif des réactions populaires dans le monde arabe. Il y a là une dimension totalement incongrue aux yeux d’un observateur occidental, mais pour peu qu’il connaisse le monde arabe il admettra que les choses puissent s’y présenter autrement. Dans des sociétés où les dirigeants ne sont généralement pas comptables de leurs actes devant leurs administrés, les liens qui se tissent entre eux sont ceux d’un asservissement de type dictatorial ou d’une allégeance quasi infantile. A cet égard, Nasser a été un cas exemplaire dans le sens où il a combiné les deux types de liens. L’idolâtrie qu’il a suscitée en Egypte et dans le monde arabe autour de sa personne n’est pas que la simple manifestation d’un embrigadement de type stalinien. Elle a revêtu un caractère affectif qui ne saurait être négligé.

Du 22 au 29 août 1967, neuf pays arabes tiennent un sommet à Khartoum. Le président soudanais Ismaïl Azhari accueille le roi Hussein de Jordanie, le président libanais Charles Hélou, le président irakien Abdel Rahman ‘Aref, l’émir Abdallah du Maroc, l’émir Hassan Réda de Libye, le ministre algérien Abdel Aziz Bouteflika, le ministre tunisien Bahi Ladgham, le président égyptien Nasser et le roi Fayçal d’Arabie Saoudite. La Syrie se fait représenter par l’Egypte et Ahmad Choukeiri représente l’OLP. L’Arabie saoudite, le Koweït et la Libye renflouent les caisses des pays arabes touchés par la guerre en leur accordant 20% de leurs revenus pétroliers. Le sommet de Khartoum oppose trois « non » à la face de la communauté internationale : non à la reconnaissance d’Israël, non à toute négociation, non à toute réconciliation. Mais il lève l’embargo sur le pétrole à destination de l’Occident décidé le jour du déclenchement de la guerre. A Khartoum triomphe la ligne pro-occidentale, panislamique et conservatrice de l’Arabie saoudite face à la ligne prosoviétique et radicale prônée par la Syrie et l’Algérie. Une page vient de se tourner au Moyen-Orient. Le roi Fayçal et Nasser mettent fin au conflit qui les opposait au Yémen, et Nasser peut enfin retirer son armée de ce pays où elle s’était embourbée depuis 1962 afin d’aider les Républicains contre les monarchistes soutenus par Riyad.

Le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la Résolution 242 qui comprend notamment deux exigences : « … a. retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ; b. cessations de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque Etat de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de forces… ». L’Egypte, le Liban et la Jordanie acceptent cette résolution, une décision qui équivaut aussi à une reconnaissance de fait de l’Etat d’Israël.

La guerre d’usure et le rapprochement de Nasser avec les Etats-Unis

Bien que pointée du doigt pour la déficience de son armement qui n’a pas pu résister face à d’Israël, l’URSS se voit ouvrir les portes de l’Egypte qui devient sa base d’influence principale au Moyen-Orient. En retour, l’Egypte se met à l’abri d’une attaque directe et Nasser en profite pour lancer une guerre d’usure épuisante pour Israël le long du canal de Suez. Cette guerre est rendue possible par l’argent que lui versent les monarchies pétrolières.

La guerre d’usure se déploie entre l’été 1969 et l’été 1970. Elle fait autant de victimes que la guerre des Six Jours. Face au blocage de la situation et l’enlisement progressif d’Israël et de l’Egypte dans un conflit qui use leurs forces respectives, les Etats-Unis proposent un processus de négociations : c’est le Plan Rogers, du nom du secrétaire d’Etat américain William Rogers. La première proposition qui date de 1969 prévoit un règlement par étapes à travers des négociations indirectes. Il est rejeté par les Israéliens et par les Arabes.

Un an plus tard, la tiédeur de l’appui de l’Union soviétique à Nasser va amener ce dernier à arrêter la guerre d’usure et accepter le second Plan Rogers qui instaure un cessez-le-feu et prévoit l’ouverture de négociations indirectes sous l’égide du médiateur suédois Gunnar Iarring nommé par le secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld comme son représentant spécial au Moyen-Orient. A terme, les négociations devraient déboucher sur l’évacuation de la Cisjordanie et du Sinaï en échange de la reconnaissance par les pays arabes de l’Etat d’Israël. L’Egypte, la Jordanie et Israël font part de leur accord. Damas annonce sa volonté de poursuivre le combat.

Le 7 août 1970, le cessez-le-feu devient effectif sur le canal de Suez et le Jourdain. Les négociations indirectes commencent à New York. Elles seront de courte durée. Le 6 septembre 1970, les Israéliens annoncent leur retrait des négociations sous prétexte que l’Egypte a déplacé des batteries anti-aériennes dans la zone du canal de Suez, en violation de l’accord de cessez-le-feu qui prévoit une limitation des armements de part et d’autre du canal. Le processus s’arrête là. Au même moment, la Jordanie s’embrase.

Septembre Noir et le moment ultime de Nasser

Les positions divergentes du roi Hussein et de l’OLP sur le plan Rogers rendent la confrontation inévitable entre les deux parties, et ce d’autant plus que l’OLP jouit d’une quasi autonomie sur le territoire jordanien. L’OLP a rejeté aussi la Résolution 242 et refuse d’intégrer un processus diplomatique. Pour le roi Hussein, la centrale palestinienne constitue désormais un handicap de taille car ses opérations militaires incessantes le long du Jourdain empêchent l’application effective du cessez-le-feu.

En Jordanie, au cours de l’été 1970, le FPLP contrôle des zones entières du pays, dites « zones libérées ». Puis il opère le détournement de trois avions de ligne internationaux, obligés de se poser sur l’aéroport désaffecté de Zarka en Jordanie.

Le 15 septembre 1970, le roi Hussein ordonne une offensive générale de l’armée jordanienne contre les Palestiniens. C’est le début d’une guerre de douze jours qui fera des milliers de morts. Pour la première fois, un Etat arabe dirige sa force de frappe contre les Palestiniens présents sur son sol, en l’absence de toute réaction significative des gouvernements arabes.

Un sommet s’ouvre au Caire à l’appel du président Nasser pour traiter des événements de Jordanie. Au bout de quatre jours d’âpres pourparlers, les chefs d’Etats arabes parviennent à réconcilier Yasser Arafat avec le roi Hussein. Un accord de paix est signé par les deux hommes sous les auspices du président égyptien Nasser dont c’est là le dernier acte politique. Les accrochages entre l’armée jordanienne et l’OLP se poursuivront pendant un an encore. Ils aboutissent au départ de la centrale palestinienne de Amman vers Beyrouth où elle prendra ses quartiers jusqu’en 1982.

Le 28 septembre 1970, après avoir raccompagné chacun de ses hôtes à l’aéroport du Caire, Gamal Abdel Nasser succombe à un arrêt cardiaque. Des funérailles populaires gigantesques ont lieu au Caire pour un homme qui a su mieux que quiconque personnifier les rêves des Arabes. Cinq ans plus tard, Oum Kalthoum disparaît à son tour, laissant le monde arabe orphelin d’une voix à nulle autre pareille. Leur mort signe la fin d’une époque, celle du nationalisme arabe.

Bibliographie indicative :

BILL James A., LEIDEN Carl, Politics in the Middle East, Little, Brown and Company, Boston, Toronto, 1979.
CORM Georges, Le Proche-Orient éclaté, 1956-2012, 7° éd. Gallimard, 2012.
DUPONT Anne-Laure, MAYEUR-JAOUEN Catherine, VERDEIL Chantal, Histoire du Moyen-Orient du XIX° siècle à nos jours, Armand Colin, Paris, 2016.
HAYKAL Mohammed Hassanein, Nasser, The Cairo Documents, New English Library, London, 1973.
SOLE Robert, Hôtel Mahrajane, Seuil, 2015.


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