Egypte : Naguib Mahfouz (1911-2006)

Décédé à l’âge de 94 ans, Naguib Mahfouz, lauréat du prix Nobel en 1988, avait voué sa vie à construire, pierre par pierre, l’énorme édifice littéraire qu’il lègue à la postérité. Un peu à la manière de ses ancêtres les pharaons pour lesquels il s’était enflammé durant ses premiers pas d’écrivain.

Najib Mahfouz (arabe : نجيب محفوظ, Naǧīb Maḥfūẓ), né le 11 décembre 1911 et mort le 30 août 2006, est un écrivain égyptien contemporain de langue arabe et un intellectuel réputé d’Égypte, ayant reçu le prix Nobel de littérature en 1988.

La carrière littéraire de Naguib Mahfouz se confond avec l’histoire du roman moderne en Égypte et dans le monde arabe. Au tournant du XXe siècle, le roman arabe fait ses premiers pas dans une société et une culture qui découvrent ce genre littéraire à travers la traduction des romans européens du XIXe siècle. Pour autant, pour Naguib Mahfouz, une société aussi forte et aussi ancienne que la société égyptienne, ayant conservé des traditions millénaires tout en se modernisant, peut s’approprier et intégrer, sans crainte, quelques aspects de la culture occidentale. Car cet écrivain s’est mis surtout, dans son œuvre, à l’écoute de ce peuple égyptien, de ses aventures intimes comme de son histoire.

Né en 1911 dans une famille de la petite bourgeoisie cairote, dans le quartier populaire de Gamaliyya à Khân al-Khalili au Caire, il fait des études de littérature à l’université Fouad Ier du Caire. Il commence à écrire à l’âge de 17 ans et publie ses premiers essais d’écriture dans les revues littéraires des années 1930. Il publie sa première nouvelle en 1939. Sa licence en poche, il obtient un poste de fonctionnaire et décide de se consacrer à la réécriture romanesque de l’histoire de l’Égypte. Le relatif échec des premiers romans, situés dans l’Égypte pharaonique, et peut-être l’urgence du contexte (l’Égypte est durement affectée par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale) l’amènent à renoncer à ce projet pour plonger dans l’histoire immédiate. Désormais, ses romans ont pour cadre Le Caire contemporain, dont il décrit les bouleversements sociaux dans une veine réaliste (Passage des miracles, 1947 ; Vienne la nuit, 1949). Le succès public et la reconnaissance critique tardent cependant à venir.

En 1950, il commence la Trilogie du Caire qui se révèle son œuvre la plus importante. Dans cet ensemble de plus de mille cinq cents pages, chaque roman porte le nom des rues où Mahfouz a passé sa jeunesse : Impasse des deux palais (Bayn al-Qasrayn (en)), Le Palais du désir (Qsar al-Shawq), Le Jardin du passé (Al-Sokkariyya). Il y décrit la vie d’un patriarche et de sa famille au Caire pendant une période qui va de la Première Guerre mondiale jusqu’au renversement du roi Farouk. Par le nombre des personnages et la richesse de l’étude sociale, Mahfouz rappelle des prédécesseurs dans le genre romanesque comme Honoré de Balzac, Charles Dickens, Léon Tolstoï ou John Galsworthy. Il termine cet ouvrage juste avant le coup d’État de Gamal Abdel Nasser et, dès 1952, il délaisse l’écriture romanesque pour le scénario, forme d’écriture moins noble mais mieux rémunérée.

La publication de la Trilogie en 1956-1957 lève ses doutes quant à sa vocation d’écrivain. À quarante-cinq ans, il est enfin reconnu. Avec cette saga familiale doublée d’une fresque historique de l’Égypte, de la révolution de 1919 aux dernières années de la monarchie, Mahfouz est en phase avec la nouvelle donne politique issue du changement de régime de 1952 et avec un mouvement littéraire et artistique qui privilégie le réalisme sous toutes ses formes.

Il s’en détourne pourtant avec son roman suivant, Awlâd hâratinâ (Les Enfants de notre quartier 1959, trad. française Les Fils de la Médina), tournant dans sa carrière et dans l’histoire du roman arabe. Il y renoue en effet avec la riche tradition de la fiction allégorique pour développer une critique des dérives autoritaires du régime de Nasser et, au-delà, une réflexion pessimiste sur le pouvoir. Publié en feuilleton dans le quotidien Al-Ahram en 1959, puis à nouveau en 1967, ce roman déclenche une polémique virulente. L’ouvrage (et l’homme) sont attaqués par les oulémas qui les jugent blasphématoires, puis le livre est frappé d’une interdiction officieuse de publication en Égypte (il sera publié à Beyrouth en 1967). Cette période agitée de la vie de l’écrivain est relatée dans Naguîb Mahfouz, un essai de Hafida Badre Hagil. En même temps, le scandale contribue à asseoir sa réputation et n’affecte pas sa carrière (il occupe alors, jusqu’à sa retraite en 1971, des fonctions de direction dans les appareils culturels étatiques). Il publie beaucoup : des nouvelles dans la presse, reprises en recueils, et près d’un roman par an, revenant au plus près d’un réalisme critique (Dérives sur le Nil, 1966 ; Miramar, 1967) ou dissimulant son message dans des textes à clés (Le Voleur et les Chiens, 1961 ; La Quête, 1965). Ses grands romans réalistes sont adaptés au cinéma l’un après l’autre, ce qui lui donne accès à un public plus large que celui de l’écrit.

Proche des jeunes écrivains en colère qui émergent dans les années d’effervescence qui suivent la catastrophe de 1967 — Gamal Ghitany, Sonallah Ibrahim, Baha Taher (en), Ibrahim Aslân, Mohammed El Bisatie, etc. — Mahfouz reprend volontiers à son compte, dans ses romans ultérieurs, leurs innovations esthétiques. Mais c’est lorsqu’il renoue avec sa source d’inspiration favorite, le vieux Caire de son enfance (Récits de notre quartier, 1975 ; La Chanson des gueux, 1977), qu’il apparaît au sommet de son art.

Il est un des rares intellectuels égyptiens et arabes à avoir approuvé les accords de paix entre l’Égypte et Israël en 1979, tout en se déclarant totalement solidaire des Palestiniens. Une position qui lui a valu d’être boycotté dans de nombreux pays arabes. En 2001, il soutient encore un dramaturge égyptien exclu de l’Union des écrivains parce que favorable, lui aussi, à la normalisation avec Israël.

Demeuré fidèle tant à ses convictions politiques libérales qu’à sa conception de la littérature, il fait figure dans les années 1980 de maître respecté pour ses qualités morales et son apport massif au roman arabe, mais il est souvent contesté pour ses options politiques (notamment son soutien à la paix égypto-israélienne). Le prix Nobel qui lui est décerné le 13 octobre 1988 bouscule sa routine de retraité. Ce prix, le premier attribué à un écrivain arabe, lui donne accès au marché mondial (ses traductions se comptent aujourd’hui par centaines, dans plusieurs dizaines de langues). Mais, dans un contexte d’affrontement violent entre le pouvoir et la fraction radicale de l’opposition islamiste, ainsi qu’un raidissement moral et religieux qui touche peu ou prou toutes les couches de la société égyptienne, la polémique autour de Les Fils de la Médina (Awlâd hâratinâ) refait surface et Naguib Mahfouz survit miraculeusement à la sortie de son domicile à une tentative d’assassinat à l’arme blanche (octobre 1994) perpétrée par deux jeunes fanatiques islamistes membres de Gamaa al-Islamiya, qui ont reconnu à leur procès ne pas avoir lu une seule ligne de son œuvre. Il reste paralysé de la main droite et cesse d’écrire, contraint de dicter ses textes, mais pardonne à ses agresseurs, affirmant que leur acte n’a rien à voir avec l’Islam et tout avec le fanatisme.

S’il est un mot qui revient fréquemment dans son œuvre, c’est bien الحُبّ (al hubb), l’Amour, que Naguib Mahfouz dépeint par touches avec une grande délicatesse. Son ton inimitable tient sans doute à la façon dont il arrive à relater les aventures intimes au sein du flux collectif des habitants du Caire... (Lire la bioghraphie sur Wikipédia).

Naguib Mahfouz, les œuvres complètes en arabe au format Pdf

Page de Naguib Mahfouz sur le site Cimalover

Lecture de l’article en arabe


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