Littérature - أدب

Damas dans le miroir des écrivains et des poètes arabes Par Eric Gautier, Institut français du Proche-Orient

, par Mohammad Bakri


Institut Français du Proche-Orient (Ifop)


Damas, Al-Cham, capitale de la Syrie, est l’une des plus anciennes cités du monde. Damas, sa rivière Barada, son mont Qassioun, ses jardins, sa mosquée des Omeyyades, ses églises, ses remparts, ses palais et ses caravansérails, ses ruelles couvertes bordées de boutiques et ses souks, ses maisons traditionnelles, ses quartiers, ses artisans et ses commerçants, sa population musulmane et chrétienne… Damas vit actuellement des jours tragiques. Au moment où la ville est prise dans l’engrenage d’une guerre effroyable dont personne ne connaît l’issue, les images de chaos qui nous parviennent d’elle à travers les médias sont d’une noirceur extrême. Pourtant, Damas n’a cessé d’alimenter l’imaginaire des écrivains, des romanciers, des nouvellistes et des poètes arabes durant des siècles, d’Ibn Battuta à Ahmad Chawqi, de Nizar Qabbani à Mohammed al-Maghout, en passant par Ghada al-Samman et bien d’autres encore. C’est sous l’angle de la littérature qu’Éric Gautier a choisi d’évoquer cette ville millénaire. Dans cette optique, il a sélectionné et traduit en français quelques-uns des plus beaux textes la concernant.


 1ère partie

Nizar Qabbani

La première étape de notre voyage à travers la littérature arabe à la recherche de Damas est consacrée à un poète contemporain, Nizar Qabbani.
Né en 1923 à Damas et mort à Londres en 1998, Nizar Qabbani est considéré comme l’un des plus grands poètes arabes contemporains. Après des études de droit à l’Université de Damas, il entre au Ministère des affaires étrangères syrien et fait une brillante carrière de diplomate, jusqu’à sa démission en 1966.

À la fin des années soixante, il s’installe à Beyrouth où il crée sa propre maison d’édition et se consacre à l’écriture. Son premier recueil de poèmes, intitulé La brune m’a dit, paraît en 1944. Par la suite, Nizar Qabbani publie plus de quarante ouvrages. Même si quelques-uns sont en prose, la plupart sont des recueils de poèmes dont les plus célèbres sont : L’enfance d’un sein (1948), Samba (1949), Le journal d’une femme indifférente (1968), Poèmes sauvages (1970), Je t’aime, je t’aime… À suivre (1978), Je jure qu’il n’y a de femmes que toi (1979), Je t’ai épousé, Liberté (1988), L’alphabet du jasmin (1998), etc. Certains de ses poèmes sont traduits en plusieurs langues, notamment en anglais, en russe, en italien et en espagnol. En français, Femmes paraît en 1988 aux éditions Arfuyen.

En 1982, après le décès tragique de sa deuxième épouse, Balqis, dans un attentat, il quitte Beyrouth pour Londres où il passera les dernières années de sa vie.

La femme fut la principale source d’inspiration du poète. Ses vers, empreints de romantisme sensuel et repris par les grands noms de la chanson arabe tels Mohammed Abdel Wahab, Abdel Halim Hafez, Fayrouz, Oum Kalthoum et plus récemment Kadhem al-Sahir, ont fait le tour du monde arabe et ont valu à leur auteur une popularité inégalée. Après la défaite arabe de 1967, son œuvre prend une tournure plus politique et reflète l’engagement du poète pour défendre la cause des peuples arabes. À titre d’exemple, l’un de ses derniers recueils Trilogie des enfants de la pierre (1988) fait référence à l’intifada palestinienne.

Dans un livre intitulé La Damas de Nizar Qabbani (Damas, Al-Ahali, 1995) sont rassemblés ses principaux textes sur Damas, la ville où il a vu le jour et où il est enterré. Voici la traduction d’un passage en prose tiré de Mon histoire avec la poésie (1970), puis celle d’un extrait d’une pièce en vers intitulée Le poème damascène, déclamée en public dans le cadre de la Foire internationale du livre de Damas, en 1988.


Lire la suite en Ligne : http://ifpo.hypotheses.org/5584
Éric Gautier, « Damas dans le miroir des écrivains et des poètes arabes   », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypotheses.org), 10 janvier 2014.


 2ème partie

Ghada al-Samman

La seconde étape de notre voyage à travers la littérature arabe à la recherche de Damas est consacrée à l’écrivaine Ghada al-Samman.

Ghada al-Samman est née en 1942 à Damas, dans une famille bourgeoise. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages réédités à de nombreuses reprises et qui vont du roman au recueil de poèmes, en passant par la nouvelle, l’essai et la lettre, elle est aussi considérée comme une des figures du mouvement féministe dans le monde arabe. Elle fonde en 1977 sa propre maison d’édition à Beyrouth : Éditions Ghada al-Samman.

Après avoir obtenu sa licence de littérature anglaise à l’Université de Damas, elle poursuit ses études à Beyrouth à l’Université Américaine. Si elle publie sa première œuvre en 1962, un recueil de nouvelles, ce sont deux romans autobiographiques sur fond de guerre civile libanaise, Beyrouth 75 (1975) et Cauchemars de Beyrouth (1977), puis un roman de critique sociale, La nuit du milliard (1986), qui la consacrent comme un des grands noms de la littérature arabe contemporaine. Suivront d’autres romans tels que Le roman impossible, mosaïque damascène (1997), Le bal masqué des morts (2003), etc. La publication en 1992 des Lettres (d’amour) de Ghassan Kanafani à Ghada al-Samman fait couler beaucoup d’encre dans les journaux de l’époque.

Dans un autre livre, intitulé Lettres de nostalgie du jasmin (Beyrouth, Éditions Ghada al-Samman, 1996), Ghada al-Samman publie un ensemble de lettres poétiques qu’elle a écrites dans une période allant de la fin des années quatre-vingt à la fin des années quatre-vingt-dix. En guise de dédicace, on peut lire cette phrase de l’auteur : « À ma ville natale où mon cœur a vu le jour, Damas, royaume du jasmin et de la lumière… À elle, lors d’un instant de nostalgie du jasmin. »

J’ai traduit la première lettre du livre, « Lettre à Damas… où mon cœur a vu le jour », écrite à Paris et datée du 4 avril 1993.


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Éric Gautier, « Damas dans le miroir des écrivains et des poètes arabes   », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypotheses.org), 23 janvier 2014.


 3ème partie

Mohammed al-Maghout

La troisième étape de notre voyage à travers la littérature arabe à la recherche de Damas est consacrée au poète, dramaturge et scénariste syrien Mohammed al-Maghout.

Né en 1934 à Salamiyyeh et mort en 2006 à Damas, Mohammed al-Maghout est une des figures marquantes de la poésie arabe contemporaine. En 1955, à cause de son appartenance au parti nationaliste syrien (Parti Social-Nationaliste Syrien, PSNS), alors interdit, il est mis en prison où il fait la connaissance du poète Adonis et commence à écrire. Cette expérience de la prison et de la torture aura une influence capitale sur sa vie et son œuvre. À la fin des années cinquante, exilé au Liban, il publie ses premières œuvres dans la revue Chi’r (Poésie) et contribue au renouveau de la poésie arabe. Il est en effet considéré comme l’un des pionniers du vers libre. Sa poésie exprime dans une langue sans artifice sa déception à l’égard du monde et son refus de toute soumission à l’ordre social, politique ou religieux. Frustration, pessimisme, humour noir, cruauté et ironie caractérisent ses vers.

Parmi ses œuvres poétiques les plus représentatives, nous citerons : Tristesse au clair de lune (1959), Une chambre au millions de murs (1964), La joie n’est pas mon métier (1970), À l’est d’Eden, à l’ouest de Dieu (2004), Le bédouin rouge (2006).

La joie n’est pas mon métier est aussi le titre d’une anthologie bilingue de quelques-uns de ses poèmes traduits en français par Abdellatif Laâbi (parue en 1992 et rééditée en 2013 aux éditions La Différence).

Mohammed Al-Maghout est également célèbre comme dramaturge et scénariste. Ses pièces de théâtre composées avec le comédien Dourayd Lahham – Village d’octobre (1974), L’Exil (1976) et surtout À la tienne Patrie ! (1978), dans lesquelles il critique la société syrienne et les politiques arabes – ont un grand succès auprès du public. Il en est de même des films Les frontières (1984) et Le rapport (1987) dont il écrit les scénarios.

Même si sa vision de Damas est sans doute moins romantique que celle d’un Nizar Qabbani, pour diverses raisons qui touchent à la fois à sa façon d’être et à son œuvre, al-Maghout est avec Nizar Qabbani, le poète contemporain qui incarne le mieux cette ville. Hala Mohammed réalise en 2008 un film documentaire le concernant, tourné peu avant sa mort et intitulé Lorsque le Qassioun est fatigué. Ce titre évocateur – le Qassioun est la montagne qui domine Damas et sur laquelle repose une partie de la ville – fait clairement allusion au poète et est d’ailleurs inspiré d’un de ses poèmes, « Après alladhi et allati », dont nous proposons la traduction ci-dessous. Dans ce film, Al-Maghout est assimilé au Qassioun et devient le symbole de cette ville de Damas qui l’avait adopté et qu’il n’avait plus quittée jusqu’à sa mort en 2006.


Lire la suite en Ligne : http://ifpo.hypotheses.org/5752
Éric Gautier, « Damas dans le miroir des écrivains et des poètes arabes   », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypotheses.org), 23 janvier 2014.


 4ème partie

Saïd Aql

La quatrième étape de notre voyage à travers la littérature arabe à la recherche de Damas est consacrée à Saïd Aql, à la fois poète, dramaturge, linguiste, théologien et politicien libanais.

Né le 4 juillet 1912 à Zahlé dans la vallée de la Békaa, Saïd Aql est considéré unanimement comme un des plus importants poètes arabes contemporains. Paradoxalement, il fait aussi partie de ceux qui soutiennent que les Libanais ne sont pas arabes mais phéniciens. Il élabore d’ailleurs un système de transcription du dialecte libanais en caractères latins et propose même d’officialiser le libanais et de le substituer à l’arabe dans tout le Liban (Plonka Arkadiuz, 2004, L’idée de langue libanaise d’après Saïd Aql, Paris, Geuthner).

Dans les années soixante-dix, son nom est lié aux Gardiens des cèdres, une organisation nationaliste, opposée à l’identité arabe du Liban, préconisant le dialecte libanais comme langue nationale. Si Étienne Saqr (Abou Arz) est à la tête de cette organisation créée en 1975, Saïd Aql est considéré comme son chef spirituel. Les destins des deux hommes se séparent en 1982, date de l’invasion israélienne au Liban.

Saïd Aql écrit en trois langues : l’arabe standard moderne, le dialecte libanais et le français. En français, il est l’auteur de deux recueils L’or est poème (1981) et Sagesse de Phénicie (1999). En arabe, ses œuvres les plus connues sont : La Majdalénienne (1944), Poèmes de son cahier (1973), Quintains de jeunesse (1991), La fille de Jephteh (pièce de théâtre en vers, 1935), Qadmous (pièce de théâtre en vers, 1937), Si le Liban parlait (prose, 1960) etc. En libanais, nous citerons à titre d’exemple : Yaara (recueil de poèmes, 1961), Quintains (1978), Lebnaan (revue en arabe, en nouvel alphabet, qui paraît pour la première fois en 1975).

À partir de la fin des années cinquante et jusqu’au début de la guerre du Liban, Aql écrit une série de poèmes sur la ville de Damas. Fruits de la collaboration entre le poète, les compositeurs Assi et Mansour Rahbani et la chanteuse Fayrouz, ces œuvres – les fameuses Chamiyyat (Les Damascènes) – font vibrer le public syrien qui les découvre chaque année sur les ondes de la radio nationale et surtout sur la scène du théâtre de la Foire internationale de Damas inaugurée en 1954.


Lire la suite en Ligne : http://ifpo.hypotheses.org/5859
Éric Gautier, « Damas dans le miroir des écrivains et des poètes arabes   », Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche-Orient (Hypotheses.org), 27 mars 2014.


 Auteur

Éric Gautier est spécialiste de littérature arabe contemporaine. Maître de conférences à l’Université de Paris-Sorbonne, il est actuellement Responsable des cours de langue arabe à l’Institut Français du Proche-Orient, à Beyrouth. Après avoir obtenu son doctorat en langue et littérature arabes à l’Université de Provence en 1993, il part s’installer à Damas où il réside durant dix-sept ans, jusqu’en juillet 2011. Éric Gautier a publié plusieurs traductions, dont Les Fins d’Abdul Rahman Mounif, 2013, Beyrouth, Presses de l’Ifpo.

Page personnelle et bibliographie : http://www.ifporient.org/eric-gautier

Billets écrits pour les Carnets de l’Ifpo


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